Après quarante romans, le grand Aharon Appelfeld a décidé d’écrire pour les petits. Dans sa dernière ligne droite, une première ! Selon les propres mots de l’écrivain israélien, "l’enfance est la tranche de vie la plus importante, celle où l’on capte le monde à l’état brut". Tout comme lui, enfant, après l’évasion d’un camp nazi, le petit Adam, 9 ans, se retrouve seul en pleine forêt. Sa mère l’y a conduit pour le mettre à l’abri des rafles du ghetto. Avec, pour seul viatique, ces mots : "Aie confiance, tu connais la forêt et tout ce qu’elle contient." S’efforçant d’obéir à l’injonction maternelle, il part en reconnaissance. Pleine de bruissements et d’éblouissements, la forêt est à la fois lumineuse et inquiétante. Le soir même, il rencontre le petit Thomas. Tout oppose les deux enfants, sauf l’essentiel. Tandis que Thomas rêve et réfléchit, Adam, as de la débrouille et du bon sens, assume le gîte et le couvert. Baies et cerises sauvages viennent bientôt à manquer. Instinctivement, les deux garçons comprennent que leur salut est à l’intérieur d’eux-mêmes. Le questionnement existentiel est quotidien. Le destin est-il dans les mains du ciel ou dans celles de l’homme ?, se demandent-ils. Ces discussions sont des sommets de vérité et de poésie, comme seuls en livrent les enfants. "Quand les animaux se séparent de toi, ils laissent une part d’eux-mêmes en toi", affirme Adam. Qui dit mieux ? L’éditrice Geneviève Brisac nous apprend que le livre est déjà inscrit aux programmes scolaires israéliens. De fait, à la fois conte et magistrale leçon de poésie et de philosophie, il apprend tout simplement à vivre. Fabienne Jacob