L’infini, c’est long, surtout vers la fin. Mais, cela se raconte. Il faut pour le faire du savoir et de la constance. C’est le cas de Trinh Xuan Thuan. L’astrophysicien qui enseigne à l’université de Virginie a montré depuis longtemps ses talents de pédagogue et de vulgarisateur, notamment dans les succès que furent La mélodie secrète (Folio essais, 1991), Les voies de la lumière (Folio essais, 2008) ou Le cosmos et le lotus (Albin Michel, 2011). Ce savant francophone né à Hanoi a également prouvé que l’on pouvait faire de la science avec des convictions spirituelles, en l’occurrence le bouddhisme.
TXT - comme l’appellent ses étudiants - ne pouvait trouver meilleur thème que l’infini pour parler de science et de conscience. Du fameux ? d’Archimède qui a fait fantasmer autant d’artistes que de scientifiques avec son concept d’infini potentiel aux « multivers » qui constituent l’ensemble des univers possibles, il nous propose un voyage extraordinaire dans l’histoire des sciences, les mathématiques, la cosmologie, la philosophie et la théologie.
Dans sa balade céleste, il n’oublie pas les écrivains comme Poe qui eut en 1848 l’intuition du paradoxe de la nuit noire - tout simplement parce que nous ne voyons pas tout de l’univers - et bien sûr Borges avec ses labyrinthes et ses bibliothèques sans fin.
« La quête de l’infini est souvent liée à une recherche de la transcendance », constate TXT. Et pourtant, quel casse-tête quand on y pense ! Ainsi, en mathématiques, on admet que deux infinis se valent. Mais comment expliquer que la liste infinie des nombres pairs soit contenue - donc plus petite en principe - dans celle des nombres entiers ? Le tout n’est donc pas plus grand que la partie ! De quoi y perdre la raison. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé aux deux grands mathématiciens Georg Cantor et Kurt Gödel…
TXT soulève bien d’autres paradoxes dans cet essai stimulant. Il révèle aussi que l’hypothèse de l’univers infini pose des problèmes éthiques. « Le montant total du bien (ou du mal) dans cet univers serait infini. Ce qui veut dire que rien de ce que nous pouvons faire de bien (comme sauver des vies) ou de mal (comme tuer) ne ferait la différence, car ajouter ou soustraire quelque chose à une quantité infinie donne toujours un résultat infini. »
Dans une physique qui quitte sensiblement le concret pour l’abstrait, TXT redit sa conviction en faveur du principe anthropique qui envisage un univers réglé pour l’apparition d’un observateur capable de le comprendre. Il choisit donc la finitude du monde, parce que la vie éternelle n’est pas la panacée. « Je parie donc sur un seul univers et sur l’existence d’un principe créateur responsable du réglage extrêmement précis de l’Univers. » Finalement, ce qui lui semble inépuisable dans cette aventure, c’est l’invention humaine. De quoi nous procurer un plaisir… infini.
L. L.