TRIBUNE

Lettre ouverte sur la BPI, par Patrick Bazin

Lettre ouverte sur la BPI, par Patrick Bazin

Après le Forum de Livres Hebdo "Quelle politique pour le livre ?", Patrick Bazin, directeur de la Bibliothèque publique d'information, répond à Bénédicte Hamon de la BNF, qui évoquait une diminution des collections.

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avec Créé le 04.02.2015 à 16h04

"Madame,

Je relève dans le numéro 898 de Livres Hebdo que vous avez dit, lors du Forum "Quelle politique pour le livre ?", que le projet d'établissement de la BPI faisait partie "des projets assez dangereux de réduction des collections accessibles à tous" et prévoyait une diminution des collections de 20 %. Cette allégation est erronée.

Notre projet vise, au contraire, à valoriser l'offre de livres papier dont nous pensons qu'elle a toujours plus d'avenir que le livre numérique. Par contre, force est de constater que les collections de la BPI ont eu tendance à s'écarter de leur concept fondateur, plus que jamais pertinent, à savoir un équilibre dynamique entre les entrées et les sorties, entre la profondeur documentaire et le souci de l'actualité, une vraie collection, en somme, et non une accumulation. En effet, depuis quelques années, le volume de la collection de livres a crû d'environ 10 %, rendant celle-ci moins lisible sur des rayonnages qui ne pouvaient s'étendre et, surtout, son contenu s'est appauvri au profit d'une approche très majoritairement académique.

Faut-il rappeler que la BPI est une bibliothèque de lecture publique et ce qu'est une bibliothèque de lecture publique ? Dois-je faire état de mon embarras lorsque j'ai dû expliquer à Art Spiegelman, avec lequel nous préparons une exposition rétrospective, pourquoi les collections de bandes dessinées de la BPI sont quasi inexistantes ? C'est pourquoi, oui, nous allons nous efforcer de redonner davantage de lisibilité, d'ouverture et de vie aux collections de cette bibliothèque, d'une part, en les ramenant progressivement à leur périmètre originel et, d'autre part, en les revisitant (et non pas en les réduisant), à hauteur d'environ 20 %, dans le sens d'une plus grande diversité.

Cela dit, vous avez raison sur un point essentiel. En cette période de contrainte financière, la question des budgets d'acquisition reste un vrai sujet. Il serait illusoire de penser qu'à l'heure d'Internet ces budgets puissent diminuer. "Valoriser l'expérience de la lecture et de la collection", comme le prône notre projet d'établissement, implique, évidemment, le maintien d'un bon niveau d'acquisition.

Cependant, ne laissez pas penser, en confondant missions patrimoniales, universitaires ou de lecture publique et en ne retenant que le critère quantitatif, qu'il faille opposer les bibliothécaires sérieux, porteurs des vraies valeurs, à ceux qui n'auraient en tête, sous couleur de médiation, que de transformer les bibliothèques en showrooms sans livres. Je ne connais aucun bibliothécaire de lecture publique qui n'ait l'ardent désir de continuer à faire de sa bibliothèque un irremplaçable espace démocratique d'accès au savoir !"

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