Toujours plus ! A 10 226 nouveautés et nouvelles éditions en 2011, contre 9 406 l'année précédente d'après nos données Livres Hebdo/Electre, le nombre de traductions fait un bond de 8,7 %. La hausse, qui intervient après des progressions successives de 2 % en 2009 et de 3 % en 2010, est plus de trois fois supérieure à celle de l'ensemble de la production de livres en France pendant la même période (+ 2, 1 %). La part des ouvrages traduits dans la production totale grimpe ainsi à 15,9 %, soit exactement un point de plus qu'en 2010, et près d'un nouveau titre sur six.
Avec 6 130 titres (+ 10 %), soit six traductions sur dix, l'anglais trône en majesté. Sa domination est même encore plus écrasante dans certains secteurs, avec jusqu'à environ neuf traductions sur dix en littérature fantastique et SF, informatique, psychologie appliquée-développement personnel, gestion ou encore économie financière.
POLARS SCANDINAVES
Si elles ne pèsent que 2,2 % des traductions, les langues scandinaves enregistrent sur 2011 une progression encore plus importante, à 230 titres (+ 59 %) dont deux tiers de romans. Avec 66 titres, celles-ci sont, après l'anglais, les principales fournisseuses de polars de l'édition française. Les traductions de l'italien (466 nouveaux titres, + 19 %), du chinois (84 titres, + 56 %), de l'arabe (79 titres, + 30 % ) et, dans une moindre mesure, de l'espagnol ( 367 titres, + 10 %) connaissent également une hausse supérieure à la moyenne, tout comme la multitude des "autres langues", une catégorie qui rassemble toutes celles qui ne figurent pas parmi les plus traduites (904 titres, + 18 %).
Le japonais, en revanche, deuxième langue la plus traduite, marque le pas (- 4 %) en raison d'un recul sensible (- 10 %) des traductions de mangas, qui représentent près de neuf traductions du japonais sur dix. Le coréen recule pour la même raison. L'allemand, le néerlandais, le portugais, le russe et les autres langues d'Europe de l'Est (hors le polonais) se révèlent aussi en retrait.
FORTE HAUSSE DES ROMANS CHINOIS ET JAPONAIS
Après avoir décliné pendant deux années consécutives, le nombre de romans traduits augmente de 13 %, et la part des romans dans les traductions se relève de 1,2 point, à 35,4 %. Plus de deux romans sur cinq (41 %) publiés en 2011 sont des traductions. Cette part monte même à deux sur quatre sur le segment du polar et à deux sur trois sur celui du fantastique et de la SF. Les traductions de romans sont en forte hausse à partir de l'anglais et de l'italien (+ 13 % chaque), mais plus encore de l'espagnol (+ 18 %), du chinois (+ 107 %) et du japonais (+ 61 %), du néerlandais (+ 25 %) et bien sûr des langues scandinaves (+ 51 %). A l'opposé, les traductions de romans allemands (- 5 %), portugais (- 11 %) et russes (- 21 %) reculent.
Le nombre de traductions progresse également plus que la moyenne dans les secteurs des sciences sociales (+ 14 %) et du livre d'art (+ 19 %). Le pratique se situe dans la moyenne (+ 9 %) alors que les traductions reculent en poésie et en théâtre (- 4 %), et en informatique (- 6 %). L'évolution des traductions en jeunesse et en bande dessinée est plus mesurée, respectivement à + 4 % et à + 3 %, au point que la part de ces deux secteurs dans l'ensemble des traductions se tasse à 15,7 % pour le premier et 11,9 % pour le second.
LA BD, DEUXIÈME SECTEUR LE PLUS TRADUCTEUR
Après la littérature, la bande dessinée est cependant le deuxième grand secteur de l'édition le plus traducteur (un nouveau titre sur quatre). Viennent ensuite à la fois la philosophie et les disciplines connexes (psychologie, psychanalyse, parapsychologie...), et les sciences humaines et sociales (un livre sur cinq), ainsi que l'édition pour la jeunesse (un livre sur six), qui traduisent également un peu plus que la moyenne de l'édition française. A l'inverse, d'autres secteurs traduisent très peu, comme le tourisme (5,4 %), la cuisine et la gastronomie (4,2 %), le langage et la linguistique (4,1 %) ou la gestion (3,7 %).
LA PART DES TRADUCTIONS DANS LA PRODUCTION FRANCAISE EN 2011
A 15,9 %, la part des traductions dans la production française de livres a augmenté d'un point à un an d'intervalle. 10 226 nouvelles traductions sont parues l'an dernier, soit 8,7 % de plus qu'en 2010.
Le nombre de romans traduits a crû plus nettement encore que l'ensemble des traductions, >à 3 624 nouveautés et nouvelles éditions (+ 13 %). La part des traductions dans l'ensemble des romans publiés en France atteint 41 % en 2011, contre 36,1 % l'année précédente.
Source : Livres Hebdo/Electre
LES LANGUES LES PLUS TRADUITES EN 2011
Après un recul en 2010, la part de l'anglais remonte à six traductions sur dix en 2011, et celle de l'italien se redresse également.
Cependant, si les cinq langues les plus traduites (anglais, japonais, allemand, italien et espagnol) représentent 83,4 % des traductions, cette part s'effrite par rapport à 2010 (84,1 %). La production de mangas s'est en effet resserrée, tandis qu'ont augmenté les parts des langues scandinaves, du chinois, de l'arabe et d'une multitude d'autres langues (rubrique "autres").
Source : Livres Hebdo/Electre
LES TRADUCTIONS PAR LANGUES, NOUVEAUTÉS ET NOUVELLES ÉDITIONS
L'ÉVOLUTION DES LANGUES TRADUITES SUR CINQ ANS
L'évolution des langues traduites lissée sur cinq ans fait apparaître, en tendance sur le moyen terme, une accélération de la hausse des traductions des langues scandinaves, qui avaient marqué le pas un an plus tôt. Le polonais, l'espagnol, l'anglais, l'italien et l'arabe sont également bien orientés. A l'inverse, avec la diminution du nombre de mangas et de manhwas, la croissance du nombre de traductions du japonais ralentit presque de moitié, tandis que le coréen reste à la peine.
Source : Livres Hebdo/Electre
LES TRADUCTIONS PAR SECTEURS EN 2011
La proportion des romans dans les traductions augmente, de même que celle des ouvrages de sciences humaines et sociales, des livres d'art et dans une moindre mesure des livres pratiques. En revanche, les parts du livre de jeunesse et de la BD dans la production traduite reculent par rapport à une année 2010 où elles avaient sensiblement progressé.
Source : Livres Hebdo/Electre
Quand les auteurs célèbrent traduisent
Le métier de traducteur est aussi un travail d'auteur mettant en voix les mots d'un autre. Nombreux sont ceux qui, comme Claro, Agnès Desarthe ou Valérie Zenatti, en parallèle de leur activité professionnelle, signent des romans. Mais depuis peu, la tradition de confier des traductions à des auteurs réputés est réhabilitée. Cette forme de parrainage ouvre les portes de la presse et permet de situer un texte par rapport à des repères connus des lecteurs.
Lors de la dernière rentrée littéraire, trois écrivains français, dont la notoriété n'est plus à démontrer, s'affichaient comme les traducteurs de textes qu'ils avaient découverts. Anna Gavalda a fait connaître en France Stoner de John Williams. L'ouvrage s'est vendu à 24 000 exemplaires et les libraires Initiales lui ont décerné le prix Mémorable. Il va être traduit en sept langues. « Le nom de la traductrice, qui apparaissait sur le bandeau transparent du livre, a dû aider à une certaine reconnaissance en France comme à l'étranger", concède Claude Tarrène, le directeur commercial du Dilettante.
SÉSAME
Mathias Enard, proche de la scène littéraire barcelonaise, a apporté au Cherche Midi une traduction du déroutant Proust fiction, recueil de nouvelles de l'Espagnol Robert Juan-Cantavella. Le nom de l'auteur de Zone (Actes Sud) sur la couverture de ce livre a été un sésame pour les médias, comme en témoigne l'attachée de presse Sabine Mille, même si la difficulté du texte fait que les ventes ont été faibles. Virginie Despentes, quant à elle, a traduit deux textes qui lui étaient chers pour les éditions Au Diable Vauvert. Elle a proposé dès 2002 l'ouvrage du musicien punk Dee Dee Ramone, Mort aux Ramones !, et a donné en 2010 une traduction de Déséquilibres synthétiques de Lydia Lunch qui a été rééditée à la rentrée 2011. "Dans la traduction, je recherche toujours la voix d'un auteur sur celle d'un autre auteur, explique Marion Mazauric, à la tête du Diable Vauvert. Et quand Despentes traduit Lydia Lunch, les voix s'accordent et s'amplifient."
Du coup, l'éditrice a tout de suite pensé à l'auteure de King Kong théorie pour la traduction d'un recueil de poèmes de Bukowski. Virginie Despentes serait en plein travail, et l'ouvrage pourrait paraître en septembre.
Les écrivains-traducteurs seront encore très présents à la prochaine rentrée. Ainsi, le roman phare de la rentrée étrangère de Flammarion, Tiger Tiger de l'Américaine Margaux Fragoso, sera traduit par Marie Darrieussecq. Lorsque l'éditrice Olivia de Dieuleveult a lu ce texte, elle a tout de suite pensé à la psychanalyste et auteure de Truisme qui n'a pourtant effectué qu'une seule traduction dans sa vie, Tristes Pontiques d'Ovide. La voix de Margaux Fragoso, quelque chose entre la naïveté, la rébellion, la honte et la force, lui faisait penser aux personnages de Marie Darrieusecq qui s'est en effet reconnue dans cette plume. Le roman raconte la relation entre une fillette de 7 ans et un homme de 51 ans. Cette histoire qui durera quinze ans montre les mécanismes de la perversion et, en donnant de l'humanité au pédophile, le rend d'autant plus effrayant. Pour Olivia de Dieuleveult, "il était très important qu'on ne déclasse pas le livre dans les "Misery memoirs"", ces témoignages voyeuristes. "Le fait que Marie Darrieussecq endosse la voix française dit bien le caractère littéraire du texte, le pouvoir de la langue qui transcende les faits réels par l'écriture."
QUINZE TRADUCTEURS À L'ÉCOLE DU CNL
Traducteurs du russe, de l'allemand, de l'italien, du polonais, de l'ukrainien, de l'arabe, de l'anglais aussi... Ils seront quinze, samedi 7 avril, à se retrouver au Centre national du livre pour la première séance de la session expérimentale de l'Ecole de traduction littéraire. Cette formation créée par le CNL a pour particularité de s'adresser à des traducteurs déjà expérimentés, de transmettre une pratique de la traduction plutôt qu'une connaissance des langues, et de mettre en valeur des langues plus rares que l'anglais. Son directeur, Olivier Mannoni, par ailleurs président de l'ATLF, met aussi l'accent sur les aspects professionnels. Les 11 séances se dérouleront chaque samedi jusqu'au 23 juin. Les matinées sont dédiées à des interventions d'éditeurs (Dominique Bourgois et Jean Mattern), d'une correctrice (Marie Dubois), de la chef de fabrication d'Albin Michel Jeunesse Alix Willaert, d'un directeur commercial (Gilles Bourgogne, Volumen) et à des ateliers d'écriture avec Cathy Ytak. L'après-midi, place à la pratique avec André Markowicz (sur Shakespeare), Jacqueline Carnaud (sur l'histoire), Michel Volkovitch (grec), Rosie Pinhas-Delpuech (turc ou hébreu), Hélène Henry-Safier (sur le théâtre obscène russe...), Patrick Maurus (coréen et chinois), Christophe Mileschi (italien), Valérie Julia (sous-titrage), Khaled Osman (arabe), Chantal Moiroud (italien) et Olivier Mannoni (sur le philosophe allemand Sloterdijk). L'expérience doit conduire à la mise en place, en janvier 2013, d'un cursus qui délivrera un diplôme professionnel.