Si les thèmes abordés sont familiers au milieu de l'édition, ils le sont beaucoup moins pour le grand public. Pédagogues, les responsables de droits précisent la différence entre le copyright anglo-saxon et le droit d'auteur à la française. Elles expliquent les cessions, les enchères, le choix du partenaire étranger qui dépend de "sa ligne éditoriale comme de sa capacité à avoir un coup de cœur, de son engagement à défendre et à promouvoir le livre et l'auteur".
Pour le non-fiction, défendue par Rebecca Byers chez Plon-Perrin, "on a besoin, dans le domaine des sciences humaines, du réseau des universitaires qui conseillent l'éditeur pour que le livre soit traduit, alors que, pour les documents, cela repose avant tout sur l'auteur". Il est aussi question de "famille d'éditeurs" qui s'informent sur les livres intéressants d'un pays à l'autre, et de "goûts et de codes culturels" présidant au choix des couvertures.
"Je fais confiance à mon éditeur. Je ne sais pas comment se passe le business, avoue pour sa part Jean-Christophe Grangé. J'écris dans un domaine – le thriller – qui est le territoire absolu des Anglo-saxons. J'ai eu ma chance mais je n'ai pas vraiment percé", poursuit-il, ajoutant qu'à l'inverse, il a un "succès étonnant et inexplicable en Turquie". "C'est une vraie rock star en Turquie. C'était l'émeute au Salon du livre d'Istanbul et les ventes ont suivi", confirme Solène Chabanais, qui raconte aussi que "Bernard Werber, qui fait aussi des conférences, est traité comme un gourou en Corée et en Russie".
Pour la promotion des livres français à l'étranger, "rien ne remplace la présence de l'auteur", souligne Solène Chabanais. S'il parle anglais, c'est un plus, mais "on a le droit de ne pas parler anglais", s'insurge Anne-Solange Noble, qui note que Tahar Ben Jelloun a fait un tabac en Inde, et que Patrick Modiano, qui ne voyage pas, était traduit en 36 langues avant même d'obtenir le prix Nobel.
La difficulté de vendre aux éditeurs anglo-Saxons est également évoquée. Aux Etats-Unis, les traductions représentent “moins de 2 % de la production toutes langues confondues" rappelle Judith Oriol, qui anime la table ronde. Et de pointer que si L'élégance du hérisson, de Muriel Barbery, est resté 60 semaines sur les listes de meilleures ventes du New York Times, il s'agit de l'exception qui confirme la règle. "Patrick Modiano n'avait que deux ou trois titres disponibles aux Etats-Unis avant le Nobel. D'ici fin 2015-début 2016, il en aura dix-sept", annonce de son côté Anne-Solange Noble. "Quand un livre est traduit et ne se vend pas, c'est aussi une déception. Mais si un livre est vendu dans vingt pays et s'il n'est pas traduit en anglais, ce n'est après tout pas si grave", rassure Rebecca Byers.
Le poids des cessions est de 6 à 7 % du chiffre d'affaires
Sélection des titres présentés à l'étranger, chiffre d'affaires des cessions, nombre de salariés d'un service de droits, choix du traducteur (qui incombe à l'éditeur étranger) ont été les questions posées dans la salle. "On travaille tout le catalogue à l'exception peut-être d'un document sur la politique française" ont-elles ajoutées. Tandis que Rebecca Byers déclare qu'en l'absence de statistiques, on estime le poids des cessions à 6 ou 7 % du chiffre d'affaires d'une maison pour un service de deux ou trois salariés, "le plus grand étant probablement celui de Gallimard dirigé par Anne-Solange Noble".
Reste que "les éditeurs représentés sont de grandes maisons tandis que les petites font appel à des agents qui ne sont pas forcément les grands méchants qui ont été décrits et qui réclament beaucoup d'argent", précise l'agente Corinne Marotte, de l'Autre Agence, qui assiste au débat et le juge "plutôt juste, nuancé dans l'ensemble".