Fréquemment employé par les usagers de sites dédiés au domaine public, le terme "copyfraud" mérite pour le néophyte un minimum d’explications. Utilisé pour la première fois en 2006 par le professeur de droit Jason Mazzone, il désigne, comme l’indique sur son blog le juriste et cofondateur du collectif SavoirsCom1 Lionel Maurel, "une revendication abusive de droits sur une œuvre du domaine public". Parfois décrit comme l’inverse du piratage, il est susceptible d’être perpétré par des institutions culturelles (bibliothèques, musées, archives) ou des entreprises, mais ce sont les ayants droit d’auteurs qui ont offert récemment les stratégies les plus inventives pour repousser l’échéance du droit d’auteur.
La légende voudrait que les héritiers d’Antoine de Saint-Exupéry, lorsqu’ils ne sont pas occupés à se disputer leurs droits patrimoniaux, fassent autorité en la matière. Tandis que Le Petit Prince ne doit entrer dans le domaine public qu’en 2032, grâce au statut de "mort pour la France" accordé à son auteur disparu en mer en juillet 1944, qui prolonge la protection d’une trentaine d’années, ses ayants droit ont annoncé en 2014 que chaque personnage du livre serait déposé en tant que marque.
Et l’œuvre devient marque
Comme l’expliquait à l’époque l’avocat Emmanuel Pierrat sur Livreshebdo.fr, "selon le Code de la propriété intellectuelle, toute appellation ou signe peut valablement constituer une marque", et "le droit des marques possède l’immense intérêt d’assurer une protection éternelle, sans risque de domaine public, si les dépôts sont renouvelés en temps et en heure". De quoi inspirer Nick Rodwell, époux de la veuve d’Hergé et à la tête de la société Moulinsart, qui gère les droits d’exploitation de Tintin. Alors que l’œuvre d’Hergé doit tomber dans le domaine public en 2054, il expliquait au Monde en 2013 être déjà en train de "chercher un moyen" pour prolonger la protection.