L'afrofuturisme a été révélé à l'international par le blockbuster Black Panthers. Mais au-delà de cette traduction cinématographique très controversée pour sa caricature du genre - elle a été accusée de se vautrer dans la récupération capitaliste de luttes anticapitalistes -, l'afrofuturisme s'inscrit dans le paysage culturel des États-Unis depuis les années 1990. Achille Mbembé, dans un article du Point à la sortie de Black Panthers en 2018, décrivait ainsi l'afrofuturisme et le film en question comme « une extraordinaire synthèse de toutes les idées et des concepts qui, depuis au moins la fin du XIXe siècle, auront accompagné les luttes nègres en vue de la montée en humanité ».
Encore discret en France, l'afrofuturisme commence pourtant à s'y faire entendre. Le festival Les Imaginales, à Épinal, lui consacre sa vingtième édition du 19 au 22 mai, avec, pour invité d'honneur, Michael Roch. Cinq ans après son premier roman Moi, Peter Pan (éditions Mu), sélectionné pour le Grand Prix de l'imaginaire 2017, Michael Roch va plus loin encore dans ce qu'il nomme lui-même ses « contre-dystopies caribéennes ». Avec Tè Mawon, l'auteur présente les enjeux d'un afrofuturisme situé sur les terres créoles des colonies françaises. « Cette SF ne serait plus afrocentrée, mais créolisante », précise-t-il. Non seulement l'insurrection qu'il met en scène relève d'une mémoire des Caraïbes et du sort qu'y ont connu les esclaves noirs, mais elle révèle aussi la richesse de la langue créole et celle de territoires marqués par des révoltes, et qui ont vu naître le marronnage.
Le dernier roman de Laura Nsafou, Nos jours brûlés (Albin Michel), qui se déroule en 2049 dans l'Afrique de l'ouest, relève lui aussi d'un certain afrofuturisme - sans accent porté sur la dimension technologique de cette Afrique du futur. L'autrice de littérature jeunesse, féministe, revendique son « afropéanité ». Or ce terme est notamment développé par Léonora Miano dans son essai Afropea, version théorique de son utopie Rouge impératrice, où elle imaginait un projet panafricain, un futur où le continent africain, Katiopa, accueillerait les migrants venus d'Europe. Léonora Miano, qui ne se revendique pas de l'afrofuturisme, adopte pourtant les codes du roman d'anticipation et de l'utopie dans un cadre narratif inscrit sur un territoire africain, dans un futur lointain (les années 2100). Que ce soit dans Tè Mawon ou dans Rouge impératrice, la langue est investie comme une des strates fondamentales où se jouent les luttes et les devenirs possibles. Et la littérature, un passage nécessaire lorsqu'il est question de sortir des impasses d'une société en crise d'imaginaires.