Roman/Nouvelle-Zélande 8 mai Lloyd Jones

La fin du monde inonde la littérature d'hier et d'aujourd'hui. Elle nous confronte à nos abymes, à nos parts sibyllines. Voilà pourquoi Lloyd Jones s'en empare pour composer une histoire inclassable aux ressorts phychologiques redoutables. L'auteur de Mister Pip ou de Donne-moi le monde est un habitué des basculements inattendus, sous tension. Ici, il nous invite dans une ville isolée. C'est là que débarque un duo hagard. « Ils venaient manifestement d'un lieu très lointain. On aurait dit deux épouvantails qui auraient traversé le déluge d'autres vies. » Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils incapables de relater ce qui leur est arrivé ? Sont-ils les derniers survivants d'une catastrophe ? Visiblement. Le premier réflexe est de leur offrir la charité. « Tout le monde est né quelque part sur cette terre. Et tout le monde a un abri où se glisser. » Quoi que... Warwick les reçoit dans son hôtel, mais ce propriétaire pervers perçoit le bon filon. Et s'il en faisait une attraction ?

Hébétés, les deux hommes se retrouvent dans une cage. « Ils sont piégés. Il n'y a pas d'issue. »Ces êtres perdus n'ont pas de noms, alors on les baptise.« Docteur n'a le bec sucré que pour la confiture de framboise. Mouche mange tout et n'importe quoi. » Le premier a des airs de vieux sage attendant le Messie, mais il n'a qu'une obsession : trouver la clé. Pour l'heure, ils sont scrutés par un défilé de curieux. « Les étrangers sont-ils heureux ? Bien sûr. Ils sont hors de danger. Nourris. »Un Conseil d'administration y veille d'ailleurs en s'interrogeant constamment sur le bien-être des prisonniers. Petiot, le neveu de l'hôtelier, est personnellement chargé de les suivre quotidiennement. C'est lui le narrateur de cette étrange fable orwellienne. Lui, qui les observe jour et nuit, en sentant que leur état se détériore. Intrigué, Petiot sait pertinemment qu'il « est impossible de lire dans l'esprit d'autrui ».Pourtant, il espère les saisir pleinement. Le Docteur et Mouche doivent s'adapter à cette captivité imposée, évoquant les zoos humains d'antan. Mais au-delà de cette référence, Lloyd Jones questionne notre rapport à l'étranger ou aux migrants, fuyant l'horreur. Qui est vraiment enfermé dans « La Cage », ceux qui s'y trouvent ou ceux qui demeurent dans leurs mentalités étriquées ? Un roman qui suscite le malaise, donne le vertige, tout en distillant une forme de poésie des insoumis.

Lloyd Jones
La cage - Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Mireille Vignol
Jacqueline Chambon
Tirage: 2 600 EX.
Prix: 22,50 euros ; 320 p.
ISBN: 978-2-330-12182-2
18.04 2019

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