Et si la « Pléiade du peuple » n’avait pas encore dévoilé tous ses trésors ? Avec « Les Singuliers », les éditions Bouquins inaugurent une collection inédite qui exhume, au sein de leur prestigieux fonds, des œuvres rares, originales ou détonantes, déclinées dans une forme plus accessible.
Portée par Clément Drouin, directeur littéraire de Bouquins, cette nouvelle création, enrichie de quatre à cinq nouveautés par an, promet de conjuguer exigence littéraire et ouverture au grand public. Un pari à découvrir le 9 octobre en librairie avec quatre premiers titres.
« C’est une collection née de la conviction que ce qui fait la force de Bouquins, c’est son fonds. L’idée a donc été de jeter une lumière nouvelle sur certaines pépites du catalogue, tout en s’adressant à un public renouvelé, différent de celui, passionné et éclairé, de Bouquins », détaille Clément Drouin auprès de Livres Hebdo.
Une collection plus accessible
En près d’un demi-siècle d’existence, la collection « Bouquins » a publié environ de 1000 volumes dans autant de champs variés, dont quelque 600 actifs, réalisant quelque 200 000 ventes à l’année. Pour donner naissance aux Singuliers, l’équipe éditoriale s’est donc livrée à un véritable travail d’orfèvre, procédant à une cartographie complète du fonds, ressuscitant jusqu’aux ouvrages épuisés.
« Nous avons voulu que la collection "Les Singuliers" soit à l’image de la diversité du catalogue Bouquins, comme une sorte d’échantillon représentatif de son esprit, tout en affirmant une forme d’exclusivité avec des ouvrages quasi introuvables ailleurs ou appartenant uniquement à Bouquins, pour les remettre en circulation dans un format plus accessible », poursuit l'éditeur.
Ainsi, « Les Singuliers » font la promesse de se distinguer par une pagination allégée comprise entre 300 et 450 pages, contre souvent plus d’un millier dans la collection fondée par Guy Schoeller. Le prix, lui aussi, se veut plus abordable : autour de 16 euros en moyenne, contre 30 à 40 euros pour Bouquins.
Signée par le directeur artistique de renom Philippe Apeloig, la collection entend également se tailler une place bien à part en librairie, chaque ouvrage arborant ses initiales en guise de sigle, ainsi que des couvertures colorées et épurées facilement identifiables. Un repositionnement qui ne compromet en rien la rigueur intellectuelle ni la qualité de fabrication caractéristiques de la maison d’édition originelle.
« Les Singuliers est un contre-pied »
« Les Singuliers est un contre-pied. Là où Bouquins revendique une approche totalisante, avec une importante compilation de textes ou des œuvres intégrales, la nouvelle collection fait le pari d’un texte ou d’une œuvre singulière dans un graphisme renouvelé, et d'en proposer un nouveau parcours », poursuit Clément Drouin.
La collection s’ouvre ainsi sur l’œuvre phare de Rabelais, Pantagruel (suivi de Pantagrueline Prognostication), retravaillée sous la direction de Romain Menini, maître de conférences et médaille de bronze du CNRS en 2020, dans une édition tirée du Tout Rabelais (2022). « L’exclusivité, ici, porte sur l’appareil critique lui-même, qui est à la fois très performant, rigoureux et accessible », souligne Clément Drouin, ajoutant que la nouvelle parution, au programme de l’agrégation cette année, pourrait constituer un outil tout à fait pertinent pour les enseignants, grâce, entre autres, à sa translation en français contemporain.
Deuxième titre de lancement, La Table Ronde et le roi Arthur, Récits du Moyen Âge, propose quant à lui une palette éclectique de la « matière de Bretagne », ces mythes et légendes celtiques de chevaliers en quête du Graal qui ont généreusement irrigué les imaginaires occidentaux. Choisis sous la direction de Danielle Régnier-Bohier, médiéviste et professeure émérite à l’université de Bordeaux, la plupart des récits qui y figurent ont été publiés pour la première fois en français moderne avec La Légende arthurienne, l’un des best-sellers de Bouquins, écoulé à plus de 150 000 exemplaires.
Des éditions inédites
De la même façon, La Poésie érotique de Pierre Louÿs, sous la direction de Jean-Paul Goujon, puise dans l’intégrale des œuvres érotiques du poète du XIXe siècle, donnant à voir des textes longtemps restés inconnus, et traduisant la volonté de la collection d’explorer la littérature jusque dans sa dimension la plus transgressive.
Enfin, Une histoire de la mode d’Olivier Saillard vient compléter cette première proposition, retraçant, du début des années 1900 à nos jours, l’émergence d’un champ de création aux visages et tendances devenus iconiques. Dans une volonté d’actualisation, puisque la mode se démode, emportée par son éternel recommencement, l’historien a enrichi l’ouvrage original de deux textes consacrés à la mode des XVIIIe et XIXe siècle, ainsi que d’une analyse des défilés.
La collection, enrichie de quatre à cinq nouveautés chaque année, réparties en deux livraisons au printemps et à l’automne, accueillera deux nouvelles parutions dès le mois d’avril prochain. Si le programme reste encore à préciser, le directeur littéraire évoque une incursion du côté du fantastique avec « les trois volumes de Lovecraft », et confie « s’intéresser à Machiavel, un classique dont nous possédons des textes et des traductions inédites ».