La rentrée 2025 marque une rupture dans l'édition scolaire française, dont les représentants montent au créneau contre la région Île-de-France. Pour la première fois, des dizaines de milliers de lycéens franciliens font leur rentrée sans manuels traditionnels, remplacés par la plateforme unique Pearltrees imposée par la région Île-de-France.
Baisse drastique des financements
L'Île-de-France représente 20 % des lycéens français. Depuis 2023, la région présidée par Valérie Pécresse a attribué à Pearltrees (lire ci-après) le statut d'agrégateur unique pour la diffusion des manuels numériques, d’abord pour les filières générales et technologiques, puis dorénavant pour les filières professionnelles.
« Les éditeurs ont dû déstructurer leurs manuels », explique l'association Les Éditeurs d'Éducation. Le format « granulaire » imposé éclate les contenus : cours, images et exercices sont séparés en fragments distincts, rompant avec la structure linéaire traditionnelle du manuel.
Parallèlement, la Région a supprimé toute dotation pour le renouvellement des manuels papier et réduit de 75 % les subventions numériques. En seconde générale, par exemple, la dotation passe de 72 euros par élève en 2024 à 16 euros en 2025, ne permettant d’acheter que deux manuels numériques.
Cette stratégie s'accompagne du développement de « manuels libres » gratuits, créés par des enseignants recrutés par la région académique, en concurrence directe avec l'offre éditoriale privée.
Les éditeurs ont engagé un contentieux contre la Région, contestant notamment la « concurrence public-privé » créée par les manuels régionaux et l'absence de « carence du marché ».
Le livre scolaire à bout de souffle ?
« On s'est rendu compte que les manuels d'éditeurs n'étaient pas souvent ouverts par les élèves », a justifié Valérie Pécresse, citée par le site Marianne soulignant que « deux tiers des enseignants dont la discipline est concernée par des manuels sont aujourd'hui utilisateurs de manuels libres ». Selon elle, le modèle du livre scolaire classique « est un peu à bout de souffle ».
« Cette problématique de déstructuration des contenus ne se retrouve qu’en Île-de-France », précise l’association qui redoute une « contagion » vers d'autres collectivités.
D'autres régions ont basculé vers le 100 % numérique, comme le Grand Est, mais en conservant la structure originale des manuels éditoriaux.
Hybridation des contenus
Face à cette crise, les éditeurs prônent « l'hybridation des contenus », estimant qu'un apprentissage ne peut se faire « uniquement sur du numérique », alors que les pouvoirs publics tentent par ailleurs de juguler l’érosion de la lecture chez les jeunes.
« Les éditeurs sont à l'écoute pour entendre les demandes et les besoins », indiquent leurs représentants, citant l'exemple de discussions constructives avec d'autres régions passées au numérique. Le secteur dénonce surtout l'absence de « concertation » avec la région francilienne et la découverte tardive par les enseignants des changements imposés.
Au-delà de l'Île-de-France, cette bataille révèle les tensions autour de la transformation numérique de l'éducation. Les éditeurs alertent sur les risques de « disparition de la liberté pédagogique » et de « creusement des inégalités » liés aux plateformes uniques.