Vincent Bolloré et Daniel Křetínský, nouveaux entrants dans les médias, « ont trouvé une échappatoire en s'adjugeant les plus importants groupes d'édition (Lagardère pour l'un, Editis pour l'autre) », analyse Jean-Clément Texier dans l'édition de décembre 2025 des Clés de la presse, qui publie son classement annuel des groupes de presse. « Ce changement de cap n'est pas neutre car les grands coups journalistiques et les enquêtes au long cours proviennent de plus en plus de livres et non d'articles », souligne-t-il.
Cette migration stratégique répond à une réalité éditoriale nouvelle selon l’expert. « Les bonnes feuilles de plumes vedettes nourrissent les scoops des quotidiens et des magazines », constate-t-il. L'édition devient ainsi le vecteur privilégié de l'investigation et de l'influence, là où la presse quotidienne peine à maintenir ses effectifs et sa rentabilité.
Bayard, un groupe « en surplace »
Du côté de Vivendi, « l'engagement dans l'édition est encore plus affirmé ces derniers mois », note Jean-Clément Texier, même si « les participations dans la presse font l'objet d'interrogations multiples ». Le départ de Claire Léost de Prisma Media vers CMA Média et son non-remplacement peuvent « se lire comme les prémices d'une vente par appartement » du portefeuille presse du groupe de Vincent Bolloré.
L'analyse de l’expert sur le groupe de presse et d’édition Bayard est sévère. « Solide grâce à ses piliers jeunesse et senior, Bayard fait du surplace depuis de longues années », constate-t-il. Le nouveau directoire mené par François Morinière connaît « des débuts difficiles », ses « valeurs conservatrices » ayant « heurté les collaborateurs d'un groupe marqué par la social-démocratie », analyse-t-il.
« Les structures restent lourdes et coûteuses, le fonctionnement en chapelles persistant », poursuit Jean-Clément Texier. Il s'interroge sur un « possible désengagement des Assomptionnistes », propriétaires du groupe, notant que la congrégation « n'a pas souhaité acquérir » les nouveaux locaux lors du déménagement.
La succession de Fabien Lejeusne, supérieur provincial d’Europe des Assomptionnistes, congrégation propriétaire de Bayard, qui vient d'être nommé archevêque de Namur, sera déterminante. « Selon que son successeur soit issu d'Europe ou des terres missionnaires d'Asie, d'Amérique ou d'Afrique, le devenir de Bayard sera impacté », analyse Jean-Clément Texier.
Média Participations, modèle de consolidation
Le touche-à-tout des industries média (lire ci-après) évoque explicitement le modèle de Vincent Montagne, patron de Média Participations, dans son analyse de Bayard. « L'heure ne serait-elle pas venue d'un rapprochement avec le très ouvert Vincent Montagne qui a pu faire changer significativement la taille de Média participations ? », interroge-t-il.
Le groupe du président du Syndicat national de l’édition (SNE), spécialisé dans la bande dessinée et l'édition jeunesse, illustre la stratégie de croissance externe réussie dans l'édition. Jean-Clément Texier note que sa venue chez Bayard « susciterait des réactions de crainte des personnels, mais il a l'oreille de Rome », en référence à l'actionnariat religieux de Bayard.
Le constat de Jean-Clément Texier est sans appel sur la presse : « Sans taille critique, point de salut. » Les quotidiens régionaux et nationaux affichent des pertes structurelles, nécessitant des recapitalisations régulières. À l'inverse, estime-t-il, l'édition de livres offre des marges confortables et une capacité d'influence durable, mais les autorités de la concurrence « ne cessent de mettre des freins à de réelles politiques de croissance externe », regrette-t-il toujours.
