Jean-Arthur Creff, directeur des bibliothèques de Mulhouse, jouait le rôle de modérateur pour gérer les commentaires du public, après les témoignages et analyses de Lylette Lacôte-Gabrysiak, enseignante-chercheuse de l'université de Lorraine, de Juliette Lenoir, directrice des médiathèques de Nancy et d'Isabelle Wilt, directrice de la médiathèque communautaire de Sarreguemines, en Moselle.
Juliette Lenoir prône de sortir de la concurrence qu'entraînent les actions des différents lieux de culture d'une même ville, qui parfois se chevauchent. "Lorsque des bibliothèques organisent des expositions, ce type d'action peut marcher sur les plates-bandes des musées de la ville", explique-t-elle en prenant exemple sur la BPI du centre Pompidou à Paris. La solution se trouve selon elle dans les partenariats, comme elle l'illustre en se référant à la lecture publique des textes du romancier Jean-Philippe Jaworsky organisée par la médiathèque de Nancy avec des comédiens du centre dramatique national dans les théâtres de la ville. "Ça permet en plus de croiser les publics, au lieu de se mettre en concurrence" assure-t-elle. "Un partenariat qui ne s'applique tout de même qu'aux grandes ou moyennes villes pourvues de plusieurs établissements culturels", précise Arthur Creff.
La concurrence peut aussi se gérer grâce à la communication, ajoute Lylette Lacôte-Gabrysiak. "Il faut faire connaitre la bibliothèque et ses services : ne sous-estimez pas tout ce que les usagers ne savent pas! Revenez au fondamental, en expliquant aux gens ce qu'on peut faire pour eux" exhorte la dynamique chercheuse.
L'exemple de la médiathèque de Sarreguemines
Le sous-titre des interventions cherchait à savoir quelle était la place des bibliothèques dans une abondance de biens et de services. L'exemple de la médiathèque de Sarreguemines, que présentait Isabelle Wilt, était à ce titre éloquent.
Située dans une galerie commerciale, la médiathèque est à la fois victime et bénéficiaire de cette localisation. La proximité avec les commerçants peut d'abord s'afficher comme une contrainte : une concurrence entre les magasins et la médiathèque s'installe et apporte une perte de lisibilité pour l'établissement d'Isabelle Wilt, qui témoigne du fait que "beaucoup ne savent pas qu'il existe une médiathèque dans le centre commercial. Cette situation créé une confusion certaine, les clients de la galerie ne font pas la différence entre espace culturel et les autres espaces dévolus au commerce. La médiathèque est considérée comme une boutique comme les autres."
En souriant, elle poursuit en racontant une anecdote où une femme entrée à la médiathèque a interrogé le personnel sur le prix des meubles exposés. "On nous a pris tour à tour pour un vidéoclub, une librairie, une banque, énumère Isabelle Wilt. Mais après explication, beaucoup de clients de la galerie repartent en s'étant inscrits et reviennent, comme des lecteurs assidus."
Cette situation créé aussi une dynamique pour la médiathèque, qui lorsque le centre commercial ouvre en nocturne, adapte ses horaires d'ouverture et organise des lectures "aux chandelles".
En outre, pour soutenir la concurrence avec les commerces voisins, la médiathèque se voit incitée à développer une démarche de marketing: "Il faut faire preuve de créativité pour soutenir la comparaison avec les commerçants " explique Isabelle Wilt, qui précise que le personnel de la médiathèque a suivi une formation d'étalagiste pour les vitrines et de mise en valeur des collections, avec la même idée d'attirer le chaland comme en témoigne cette affiche où un jeune homme au physique de mannequin vante torse nu les mérites du livre. "Ainsi, le marketing devient un outil au service de notre objectif, même s'il n'est évidemment pas une fin en soi", conclut Isabelle Wilt sous les applaudissements.