avant-portrait

Militant des sciences humaines et sociales. Ainsi se définit Florent Guénard. Immédiatement, dans son débit verbal et dans son regard mobile, on sent la passion des idées. "Le but de la philosophie politique n’est pas de proposer des solutions aux problèmes politiques, mais de clarifier certaines questions fondamentales." Parmi elles, la démocratie l’occupe particulièrement dans son nouvel essai qui devrait provoquer la discussion et que devrait lire tout candidat à une élection, présidentielle ou autre.

Dans une démarche historique et typologique, il montre que la démocratie n’est pas un concept mais un langage. Mis à mal avec les différents massacres et génocides au XXe siècle, ce langage a retrouvé une certaine vigueur après les attentats du 11 septembre 2001, les Américains ayant besoin d’accompagner leurs ripostes par un discours.

C’est au Collège de France, alors qu’il était assistant de Pierre Rosanvallon de 2006 à 2008, qu’il découvre les democratization studies américaines qui prônent l’universalisme démocratique. "La déclaration des droits de l’homme de 1789 fait césure et laisse entendre que la démocratie serait universelle. Le XIXe siècle s’emploie à cela et Tocqueville explique les Etats-Unis comme le laboratoire vivant de cette expérience universelle. Par la suite, on finit par considérer que la démocratie est attendue partout et qu’elle va résoudre tous les problèmes. On a vu ce que cela a donné avec Reagan puis Bush."

Si les deux présidents américains ont réussi à tout flanquer par terre, Florent Guénard ne renonce pas à l’idée de départ. "Je me suis attaché à l’universalisme démocratique et je me suis demandé comment lui redonner un statut. Repartons donc de la démocratie à partir du désir qu’elle suscite et soyons à l’écoute de son langage."

Lui qui fut pendant dix-huit mois, au début des années 2000, chargé d’écrire les discours au cabinet de Christian Paul, alors secrétaire d’Etat à l’Outre-mer dans le gouvernement Jospin, voit bien la difficulté à réintroduire un peu de complexité en politique tandis que les politiciens vont vers la simplification qui passe par les petites phrases et le spectacle. "On confond la simplification avec la proximité. Or, la simplification conduit à la peur. Pour redonner de l’intérêt à la politique, il faut lui redonner sa complexité."

Un destin politique

Son poste d’observateur au site La Vie des idées lui a ouvert des perspectives et lui a fait envisager des passerelles entre les savoirs. "Sans La Vie des idées, je n’aurais pas écrit le même livre." Dans la conversation, Florent Guénard évoque le cas de la Tunisie. "C’est le peuple tunisien qui a trouvé seul ce chemin alors que certains pays occidentaux considéraient le régime policier de Ben Ali comme une démocratie… La liberté a nécessairement un destin politique." Avec fougue, Florent Guénard n’en démord pas. "Quand on pose les problèmes correctement, on fait faire un petit pas à la démocratie. J’aimerais que l’on croie de nouveau à la démocratisation et que l’on soit à l’écoute de ce que les peuples disent." Laurent Lemire

Florent Guénard, La démocratie universelle. Philosophie d’un modèle politique, Seuil. Prix : 23 euros ; 360 p. Sortie : 8 septembre. ISBN : 978-2-02-124147-1.

Les dernières
actualités