La question est essentielle et reste très débattue : « pourquoi et comment ont été conservés et transmis dans les communautés chrétiennes de l'Antiquité, de génération en génération, certains textes religieux et non pas d'autres ? » Dans cette solide, accessible et éclairante Introduction à l'histoire des origines du christianisme, on remarque qu'« origines » est au pluriel. Simon Claude Mimouni montre ainsi sa prudence et sa volonté de fournir des éléments de réflexion plutôt que des réponses définitives.

Il dévoile la multiplicité des sources qui finissent par former un fleuve au bout de quatre siècles. Il s'agit pour lui de comprendre de manière scientifique et non pas ecclésiastique comment un mouvement religieux marginal du monde judéen est devenu la religion principale de l'Empire romain.

Ce livre puise lui-même dans les cours dispensés pendant des années par le grand historien des religions - aujourd'hui directeur d'études émérite - à la section des sciences religieuses de l'Ecole pratique des hautes études où il était titulaire de la chaire « Origines du christianisme » et à la Faculté des lettres de l'Institut catholique de Paris.

Conçu comme un manuel en 42 leçons, l'ouvrage propose non pas des thèses, mais des « hypothèses de pensée ». Il analyse les sources (les 27 livres canoniques, les textes apocryphes, patristiques, hagiographiques, liturgiques), les questions (les canons, les hérésies, les conciles, le calendrier), les concepts (la virginité, l'eschatologie, la parousie, l'Antéchrist), les problématiques (le manichéisme, l'hindouisme, le bouddhisme, le paganisme, le judaïsme) et les doctrines (la christologie, le millénarisme, la gnose, la trinité, le culte marial). Il met surtout en garde contre la surinterprétation des textes par anachronisme. Les auteurs n'ont parfois pas voulu dire plus que ce qui est écrit. Le christianisme émerge du judaïsme en empruntant au paganisme. Il n'y a pas de création ex nihilo. Il se diffuse d'abord dans la langue et la culture araméennes en empruntant à la philosophie antique, principalement aux platoniciens et aux stoïciens.

Simon Claude Mimouni offre un guide précieux dans une documentation foisonnante et complexe comme le montre l'imposante bibliographie. L'auteur de Jacques le Juste (Bayard, 2015) et du Judaïsme ancien (Puf, 2012) fait le tour des connaissances qu'il replace dans les cadres historiques, politiques et spirituels des premiers temps du christianisme. Il fait au passage une apologie du rôle capital de l'historien dans ces domaines. « Partout dans le champ du christianisme des premiers siècles, le travail de l'historien est de déconstruire des lectures normatives, souvent paradoxalement christianisantes, pour tenter de saisir les réalités d'alors afin justement d'articuler mémoire et histoire dans une perspective non engagée ou moins engagée. »

Raisonné et raisonnable, ce guide s'avère un formidable outil de curiosité pour ceux qui veulent comprendre les mécanismes subtils de la naissance du phénomène religieux.