Rania est chef de service de chirurgie du poumon, Simon chercheur en cancérologie, et Tom un riche homme d’affaires qui a fait fortune dans l’immobilier et le négoce du café. Les trois sont amis depuis l’enfance : «ils habitaient le même quartier, jouaient dans la même cour, fréquentaient le même lycée ». Leur lien a résisté aux années même si c’est Tom que Rania a épousé il y a plus de quinze ans.
Maurice Mimoun, dont c’est le premier roman, reconstitue la trajectoire de ce trio en rembobinant l’histoire qui finit mal. Le roman commence avec la mort de Simon, sous la neige, devant la porte de Rania. On pense à un drame passionnel. Et c’en est un mais moins classique qu’il n’y paraît. Le romancier ménage ses effets, sème des indices : il y a un serment qui n’a pas été respecté et des remords qui accablent… A 18 ans, Simon a failli mourir asphyxié, les poumons inexplicablement noyés dans un liquide qu’il fabriquait. Mais la pleurésie s’est arrêtée le lendemain du jour où la brillante et rationnelle Rania, dans un moment de désespoir, a imploré d’échanger sa vie contre celle de son ami. La jeune femme qui n’a confié ce secret à personne se sent depuis comme en dette avec le destin. Flash-back donc sur trois vies bien pleines : Rania à l’hôpital avec les patients ; Simon au même endroit mais derrière des microscopes de laboratoire ; quant au businessman Tom, il vit en courant, portable greffé sur les oreilles, trompant sa peur du temps qui passe en enchaînant entrainements de boxe et rendez-vous chez des cardiologues « pour être tranquille ».
Une vie plus une vie est « le vrai roman d’un vrai romancier », a salué Milan Kundera. L’hommage a d’autant plus de sens quand on précise que Maurice Mimoun était jusqu’ici plus connu comme médecin, éminent spécialiste dans la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, au service notamment des grands brûlés, que comme écrivain, même s’il est l’auteur de deux carnets tirés de sa pratique. En passant à la fiction, il donne une profondeur documentaire au personnage pivot de Rania, mais démontre aussi une connaissance du désir et de la peur, de la hantise de vieillir et de la soif d’éternité, qui va bien au-delà de la mécanique des corps.
Véronique Rossignol