Le département de Saône-et-Loire versera 1 100 euros par emploi créé par Amazon sur sa nouvelle plate-forme de distribution de Sevrey, près de Chalon-sur-Saône, et la région apportera pour sa part 3 400 euros, selon les protocoles d'accord et les délibérations publiées par les deux collectivités (cf pdf ci-dessous).
Le site de vente par correspondance s'étant engagé à créer au minimum 250 postes en CDI, la subvention atteindra au total 1,125 million d'euros sur deux ans, soit 6,19% du montant total de la charge salariale sur la période, budgétée pour cet effectif à 18,181 millions d'euros par l'entreprise. Le versement est assorti de délais de réalisation et de clauses suspensives, ou de remboursement, si Amazon ne remplit pas ses engagements.
A noter que lors de sa dernière réunion, l'assemblée régionale de Bourgogne a voté aussi un soutien à la librairie Hisler de Dijon, qui s'engage à reprendre les 20 salariés de Grangier qu'elle relance. Mais il s'agit seulement d'un prêt, de 150 000 euros, sur sept ans. De la même façon, la région accorde aussi un prêt, de 100 000 euros, sur la même durée, aux repreneurs de la librairie Voillot (Avallon), qui conservent les quatre salariés de la société.
Le vote de cette subvention à Amazon, alors que le fisc lui présente un redressement de 198 millions d'euros d'impôt, suscite des réactions de plus en plus nombreuses. Dès le 6 décembre, le libraire Wilfrid Séjeau (Le Cyprès à Nevers), également conseiller régional en Bourgogne (Europe Ecologie - Les Verts), exprimait son
«amertume» dans un texte publié sur Facebook par la librairie Les oiseaux rares (Paris, 13e):
«Comment peut-on subventionner une multinationale qui réalise des profits assez colossaux et n'acquitte pas un impôt décent? Alors que chacun est appelé à se serrer la ceinture.»Dans des tribunes publiées le 4 janvier par Livres Hebdo (voir aussi
notre actualité du 3 janvier), Frédéric et Jean-Pierre Delbert, de la librairie Delbert à Agen, d'une part, le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels d'autre part, dénoncent les pratiques du géant de la vente en ligne et les contradictions des politiques.
"Il est encore temps de résister."
En Suisse, Pascal Vandenberghe, directeur général des librairies Payot, a lui aussi décoché ses flèches.
«Après les enquêtes, déjà anciennes, dénonçant les pratiques "sociales" d'Amazon [...]
, et maintenant ces redressements fiscaux dans plusieurs pays européens, la réalité des conditions de travail de ses salariés (intérimaires, pour la plupart) et du manque à gagner pour les Etats devrait attiser la curiosité des internautes sur ce qui se passe derrière l'écran», écrit-il dans une tribune publiée par le journal suisse
Le Matin dimanche le 30 décembre dernier.
Interviewé dans
Libération du 8 janvier, Renny Aupetit, directeur associé de La Générale Librest, défend la mutualisation face à Amazon:
«Il est encore temps de résister. Internet est arrivé il y a vingt ans et ne représente que 11% du marché du livre. Le problème, c'est la position de force d'Amazon, qui pèse 60% des ventes par Internet. Ce n'est que 6,6% du marché français, mais Amazon a révolutionné les attentes. Les gens ne comprennent plus aujourd'hui qu'il faut plus de deux jours pour acheminer un livre!»En Grande-Bretagne, des libraires et plusieurs journaux (dont
Ethical Consumer) ont lancé en décembre une campagne appelant à boycotter Amazon au profit des librairies qui, elles, s'acquittent de leurs impôts.