Marie NDiaye est à peine célébrée — et chahutée par un provocateur ignorant qu’en son temps un dénommé Zola sortit heureusement de sa réserve d’écrivain pour publier son J’accuse —, que sa rivale Marie Darrieussecq s’apprête à dégainer… un texte a priori rédigé avant l’été et la fameuse course aux prix. Je n’ai pas encore lu son Rapport de police : accusations de plagiat et autres modes de surveillance de la fiction que P.O.L. va éditer début janvier. En revanche, je garde en mémoire que Marie NDiaye avait accusé Marie Darrieussecq de «singerie» en 1998, avant que, en 2007, Camille Laurens n’invoque à son encontre le «plagiat psychique» (dont elle inventait le concept par la même occasion). Les deux affaires — au grand dam du barreau — ne se sont jamais plaidées, ce qui aurait eu le mérite d’approcher d’une vérité… judiciaire. Loin de moi, donc, l’idée d’arbitrer à la place des juges entre trois romancières de talent, mais je crains le pire pour Marie Darrieussecq. Les accusés — à tort ou à raison — de contrefaçon littéraire aggravent en général leur cas quand ils croient se défendre par le biais d’un livre. Il y a déjà eu le précédent Jean-Luc Hennig. Pris la main dans le sac de Jacques A. Bertrand, il avait livré une Apologie du plagiat assez désastreuse. En clair, disait-il, les plus grands écrivains ayant toujours piraté (La Fontaine, Stendhal, Nerval, etc.), ils deviennent des passeurs de mots ; pour La Fontaine et Esope, j’oserais plutôt parler de passeur d’animaux ! Bref, l’argument valait autant que la méthode consistant à se comparer au panthéon des Lettres. Dans ce registre d’auto-glorification, ne jamais oublier de citer Giraudoux, et sa fameuse formule : «Le plagiat est la base de toutes les littératures» . Il faut se souvenir aussi des plus belles perles de plagiaires – surtout des multirécidivistes ; tous n’ont pas pris la plume pour se justifier, mais beaucoup ont livré quelques très belles envolées à la presse. L’inimitable Calixte Beyala, qui aurait pioché dans Romain Gary et Ben Okri (… ainsi que chez Paule Constant, preuve de l’éclectisme de ses lectures), avait peu ou prou déclaré à propos de ses victimes : est-ce que quelques lignes suffisent à faire une œuvre ? Plus élégante est la formule de Patrice Delbourg, emprunteur de quelques vers, selon lequel l’emprunt est forcément un hommage. La palme de la candeur revient sans conteste à Mgr Gaillot… qui avait dénoncé le «nègre» choisi par son éditeur. Moins original : en appeler à la reprise inconsciente de souvenirs littéraires, ou encore à l’erreur légitime (je tairai le nom du chenapan que j’ai défendu, en vain, et qui ânonnait dans mon cabinet : «Ma bibliographie et mes notes de bas de pages ont été avalées par l’ordinateur» ). Reste aussi la dénégation pure et simple, qui peut s’avérer fatale. Alain Minc avait atteint le sublime en signant un essai biographique sur Spinoza, où figurait une recette de confiture de roses. Elle appartenait selon lui aux éléments connus de la vie de son sujet. Las, le plagié, Patrick Rödel, avait souligné devant le tribunal qu’il avait imaginé cette douceur dans une «biographie imaginaire», comme indiqué clairement en sous-titre. Alors, chère Marie D., si le cœur et surtout la raison vous en disent, alors que vous devez être plongée dans vos épreuves, je vous autorise bien volontiers à vous servir de mes conseils !