15 octobre-6 novembre > philosophie Grèce

La philosophie est un banquet et Aristote (384-322 av. J.-C.) fut un "bouffe-tout", pour reprendre la formule d’Elias Canetti. L’élève de Platon est sorti de la caverne du maître avec un appétit d’ogre. Il a exploré le monde avec la méthode qu’il s’était forgée et on ne peut qu’être épaté par cette volonté de vouloir comprendre le monde dans sa totalité. De cette œuvre immense, il ne reste que quelques textes qui ont irrigué toute la pensée du Moyen Age. Andronicos de Rhodes, le premier "éditeur" d’Aristote au premier siècle après J.-C., en recensait mille. Environ 150 sont parvenus jusqu’à nous. La plupart sont des ouvrages scolaires pour le Lycée qu’il fonda à Athènes, et ils couvrent tout le champ de la connaissance humaine.

Voici donc deux copieux menus philosophiques. Le premier est allégé, le second aussi complet que possible. Parmi les Œuvres, la "Bibliothèque de la Pléiade" a retenu Ethique à Nicomaque, Ethique à Eudème, Politique, Constitution d’Athènes, Rhétorique, Poétique et Métaphysique. Dans son introduction, Richard Bodéüs explique la difficulté à établir le corpus aristotélicien et à fixer une date pour chacun des textes qui nous ramènent au "temps des origines de la pensée occidentale".

La splendide édition des Œuvres complètes dirigée par Pierre Pellegrin, et à laquelle participe Richard Bodéüs comme traducteur, est destinée à ceux qui veulent s’immerger dans le monde d’Aristote, y compris dans la logique, la physique et l’histoire naturelle, avec des Fragments inédits en français. Elle vient parachever l’entreprise commencée chez Flammarion il y a trente ans sous l’égide de Louis Audibert.

La richesse des entrées de ce généreux volume montre que c’est le mouvement qui traverse la pensée de celui que Pierre Pellegrin considère comme "le dernier philosophe à faire directement partie de l’histoire des sciences", au travers des notions de sub-stance, de temps, de matière et de forme. Aristote est son principal laboratoire. Il fait donc confiance au sensible contre l’idéalisme platonicien. De ces sensations, le précepteur du jeune Alexandre qui n’était pas encore le Grand veut faire une science de l’universel. Au fond, rien n’est moins figé que cet homme qui pensait il y a plus de deux mille ans et qui voyait dans la capacité de se mouvoir, y compris intellectuellement, la source de la connaissance. Laurent Lemire


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