"On comprend si peu de la vie alors même qu’on la vit. Les minutes filent à toute allure, comme ces pylônes qu’on aperçoit en bordure de voie. Le présent, dans sa fuite perpétuelle." Arrive pourtant un moment où l’on ne peut plus échapper à soi-même. Où on est bien obligé d’effectuer des choix. C’est là qu’intervient David Szalay avec un pari insensé : faire le portrait de l’homme contemporain, en Europe. Une folie qui a séduit plus de quinze pays où il a été traduit.

La masculinité étant multiple, le romancier croque neuf individus âgés de 17 à 73 ans. Ils traversent les frontières géographiques et existentielles, en frôlant l’échec ou le danger. A priori, ses héros n’ont rien de sexy. Désabusés, frustrés, un brin sinistres, ces losers - que l’auteur qualifie de "vieux schnocks" - ne respirent guère le bonheur. Certains sont à la limite du détestable tant ils cumulent de défauts. Pourtant, cela les rend on ne peut plus humains.

L’impitoyable Szalay leur sert une note salée car il les saisit une fois leurs armures et leurs masques tombés. Tels des vers de terre solitaires, ils doivent se confronter à leurs petites lâchetés. Tous ne vont pas changer, mais ils vont au moins se poser des questions. Imprégné de la morosité ambiante, le romancier nous rappelle que "la vie n’est pas une plaisanterie".Kerenn Elkaïm