Intelligence artificielle

« Le livre et l’IA : un pacte faustien ? » s’interroge Antoine Gallimard dans la NRF

Antoine Gallimard - Photo OLIVIER DION

« Le livre et l’IA : un pacte faustien ? » s’interroge Antoine Gallimard dans la NRF

Le nouveau numéro de la NRF, à paraître le 13 juin, consacre son dossier au surréalisme. Dans la rubrique « Idées », Antoine Gallimard se demande si le livre et l’intelligence artificielle ont conclu un « pacte faustien ».

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Par Charles Knappek
Créé le 10.06.2024 à 12h44

Désormais dirigée par Olivia Gesbert, qui en a pris les commandes en fin d’année dernière, la Nouvelle revue française (NRF) publiera le 13 juin son 658e numéro, avec un grand dossier de 56 pages consacré au surréalisme à l’occasion du centenaire du mouvement poétique et artistique dont Le manifeste du surréalisme, paru en 1924, constitue traditionnellement l’acte de naissance.

Cette dernière livraison est aussi l’occasion pour Antoine Gallimard, président du groupe Madrigall (Gallimard, Flammarion…), qui publie notamment la NRF, de livrer son analyse des rapports entre le monde du livre et l’intelligence artificielle. Si l’éditeur estime que « l’objet-livre ne semble pas menacé », il se demande en revanche ce qu’il en sera s’agissant de son essence créative et quels « livres » nous lirons demain.

L’IA marque « la fin d’une ère (et nécessairement le début d’une autre) »,

Dans cette réflexion d’une dizaine de pages, l’apparition de l’intelligence artificielle est ainsi perçue sans ambiguïté comme « la fin d’une ère (et nécessairement le début d’une autre) », mais Antoine Gallimard s’attache aussi à considérer l’événement au prisme des enjeux économique et politique. « Nous devons veiller collectivement à ne pas être expropriés, pas plus par la puissance publique (…) que par aucune ultra-puissance financière qui viendrait, au nom de quelque projet supérieur de société, contester notre monopole en sectionnant ce lien naturel qui unit le créateur à sa création », a-t-il rappelé, insistant sur les dangers d’une IA qui « invisibilise ses sources d’entraînement », « digère sans réelle possibilité de retour à ce qui a précédé l’ingestion » et « éteint toute notion de responsabilité et d’originalité dans ce qu’elle restitue. »   

En la matière, le livre « à l’ancienne » n’a pas dit son dernier mot, comme en témoigne l’échange mené avec Llama, le moteur d’IA générative de Facebook à laquelle les services de Madrigall ont demandé de décrire une scène « à la manière de Michel Houellebecq ». Impossible, a rétorqué l’IA, expliquant, pince-sans-rire, être dans l’incapacité d’écrire « une scène qui pourrait être considérée comme offensante ou discriminatoire ».

Si de prime abord cet angle mort semble laisser toute latitude à l’imagination humaine d’explorer les interstices de la création, Antoine Gallimard n’en redoute pas moins une IA « qui s’arroge le droit, depuis la côte ouest des Etats-Unis, de dire ce qu’il est bon ou ce qu’il n’est pas bon de penser ».

« Marquer clairement » la différence entre IA et création originale

A cet égard, il salue l’adoption, le 21 mai dernier, du règlement européen sur l’IA. En ce qu’il pose un principe de transparence généralisé et ouvre la possibilité aux créateurs et détenteurs de droits de s’opposer à l’utilisation de leurs œuvres par l’IA, cet IA Act est vu comme un premier garde-fou, mais qui en appelle d’autres.

Antoine Gallimard demande ainsi que le principe du prix unique du livre et de la TVA réduite soit réservé « aux seuls livres de création originale ». Et il défend l’idée que les détaillants soient contraints de « marquer clairement » la distinction entre livres de création originale et livres générés par IA. « Nous devons veilleur à préserver ce qui nous distingue absolument, inconditionnellement de la production automatisée de textes et d’images. Il est des domaines où la frontière ne semble pas plus épaisse qu’une feuille de papier bible ; mais c’est cet espace aussi que nous habitons », conclut-il. 

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