"La guerre est un caméléon", disait Clausewitz, le père de la stratégie moderne. Ce qui veut dire que chaque guerre est unique, et surtout qu’elle change de forme en fonction des circonstances où elle a lieu, ajoute Christian Malis, historien et directeur des études stratégiques chez Thales. Car l’heure n’est pas à la disparition de la guerre, ni à l’apocalypse, mais bien à une redéfinition des enjeux et méthodes des conflits dans une mondialisation où les équilibres changent : entrée en scène de la Chine comme puissance militaire, multiplication des guerres asymétriques… Guerre et stratégie au XXIe siècle s’ouvre sur une analyse percutante d’un bouleversement actuel : alors que jusqu’à la première guerre du Golfe les armées occidentales avaient pour mission le maintien de la paix, elles ont dû faire face, avec l’enlisement afghan et le désastre irakien, à un retour de la confrontation armée. Les prouesses technologiques en matière d’équipement, telles que les drones ou les bombes guidées, trouvent désormais leur pendant dans les kamikazes, missiles du pauvre, d’une précision de frappe tout aussi remarquable et d’une force médiatique imparable, l’accès au réseau changeant aussi la donne. La vocation totale de la guerre à la George W. Bush, qui entend vaincre aussi d’un point de vue idéologique, a montré son inanité. Ce qui doit se redéfinir, selon l’auteur, c’est le statut du combattant et l’objectif de l’intervention. Cependant, il ne s’agit pas ici d’un ouvrage de philosophie guerrière. Des enjeux énergétiques à la cyberguerre, de la robotisation de l’armée au rôle croissant des think tanks, il propose plutôt un catalogue des techniques de combat de demain et de la façon dont les diplomaties pourront les mettre à profit, en repensant, notamment en Europe, leurs investissements de défense. Pour ne pas sombrer dans la guerre irrégulière et permanente : sans un nouveau jus belli, le spectre de Hobbes n’est pas loin.
Fanny Taillandier