Propriété intellectuelle

Le droit de citation a ses limites

Le droit de citation a ses limites

Le droit de citation est encadré, et dépend de plusieurs facteurs comme l'esprit de l'auteur et la taille du texte.

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), le 29 juillet 2019, a jugé un important litige en matière de droit de citation. L’affaire, qui opposait le Spiegel Online à l’homme politique Volker Beck, a permis de rappeler les limites et contours du droit de citation. 

Volker Beck est un ancien élu du Bundestag, qui a signé un manuscrit sur la politique pénale en matière d’infractions sexuelles à l’égard des mineurs. Le texte été publié en 1988, sous un pseudonyme, dans un recueil d’articles. 

En 2013, le manuscrit a été découvert lors de recherches dans des archives et lui a été présenté alors qu’il était candidat aux élections législatives en Allemagne.  Volker Beck a alors considéré que le sens de son manuscrit avait été altéré par l’éditeur du recueil et a donc montré son manuscrit à des rédactions de journaux, sans toutefois autoriser la publication de celui-ci. Il a lui-même mis en ligne le document sur son propre site Internet, qu’il prenait ses distances par rapport à celui-ci. 

Le journal Spiegel Online a, à son tour ,publié un article affirmant que le message du Beck n’avait pas été altéré. Ce dernier a attaqué en arguant d’une atteinte au droit d’auteur. 

La Cour fédérale de justice d’Allemagne s’est tournée vers la CJUE. Celle-ci a estimé que ses documents ne pouvaient être licitement mis à la disposition du public sans autorisation de leur auteur, seulement s’ils étaient accompagnés des mentions de distanciation.  

En France, l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) énumère bel et bien, au rang des exceptions au strict régime des droits patrimoniaux, les « citations » et autres « analyses, justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ».

Question de taille

La première condition exprimée par le CPI concerne donc le but particulier que la citation cherche à atteindre : critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information. En ce sens, le droit de citation reste donc très large.

Mais la citation doit surtout être « courte ». Cette brièveté s’apprécie non seulement par rapport à l’œuvre de départ (il ne faut pas reproduire une part trop importante de l’œuvre citée) mais aussi par rapport à l’œuvre d’arrivée (il n’est pas possible de ne constituer son ouvrage que de citations). C’est ainsi qu’une trentaine de citations rassemblées dans une plaquette seront considérées comme une contrefaçon, alors que les mêmes citations intégrées à une étude de deux cents pages bénéficieront de l’exception légale. Le critère dominant reste celui de la concurrence entre l’œuvre qui cite et l’œuvre citée. La première ne doit en aucun cas pouvoir se substituer à la seconde. Il n’est donc pas possible, par exemple, de citer deux vers complets d’un haïku ou, a fortiori, de faire un haïku de trois lignes extraites d’un roman. Et il n’existe pas de barème précis permettant de déterminer à coup sûr ce qui relève du droit de citation et ce qui appartient à la contrefaçon. 

L'esprit compte

L’exception de citation nécessite de remplir une autre condition, d’ailleurs sous-jacente dans la loi puisqu’il s’agit du respect du droit moral de l’auteur et qui rejoint le cas Volker. 

Lorsqu’on utilise une citation, il est en effet nécessaire de respecter l’esprit de l’œuvre dont elle est tirée, mais également sa forme, etc. Il est bien évident que seules les véritables dénaturations sont répréhensibles, c’est-à-dire celles qui ont tendance à donner une vision fausse de l’œuvre citée. De même, le citateur ne doit pas oublier de mentionner sa source – il s’agit là expressément d’une obligation légale, qui découle par surcroît du droit au respect au nom de l’auteur de l’œuvre citée. Cette règle s’applique également au nom du traducteur.

Il est de même théoriquement interdit de citer un document inédit sans autorisation, puisque le droit de divulgation appartient à l’auteur ou, en cas de décès, au titulaire des droits moraux. C’est là une règle fort peu respectée en pratique, et les auteurs profitent souvent du caractère inédit du document pour en citer une longueur relativement démesurée, qu’ils font passer pour de très courts fragments aux yeux des titulaires des droits moraux. 

La justice française a d’ailleurs rappelé qu’il ne faut pas croire que l’auteur qui fait circuler quelques exemplaires de son texte entend véritablement le divulguer.
 
 
 

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