Antoine Gallimard a décidé d’utiliser l’autorité et le poids intellectuels de l’une des revues phares de sa maison pour soutenir le combat du monde du livre contre les révisions de la réglementation du droit d’auteur, en France et en Europe. Dans son premier numéro de l’année, à paraître le 25 janvier, Le Débat publie un dossier de 70 pages sur "le droit d’auteur bousculé par le numérique". Il arrivera juste après la première discussion au Parlement de la loi Lemaire, qui prévoit l’introduction de l’open access, très contesté par les éditeurs de revues. En France, ou à la Commission européenne, "les projets actuellement avancés […] font naître l’inquiétude par leur méconnaissance des enjeux du sujet et des prévisibles effets pervers de ce qu’ils croient être un progrès dans la circulation de l’information", dénonce l’introduction de ces contributions résolument engagées. Pointant une obsession de la "dynamique de l’accès", Antoine Gallimard rappelle que le droit d’auteur "s’oppose non à la diffusion des œuvres, mais à la migration de la valeur de celles-ci vers des zones très excentrées", au profit des géants des nouvelles technologies - Amazon, Google, Facebook, Apple.
Nicolas Georges, directeur chargé du livre et de la lecture au ministère de la Culture, expose les tensions générées par la technologie, qui modifie précisément l’équilibre entre auteurs, éditeurs et public, et entraîne l’appauvrissement des premiers. Hervé Rony, directeur général de la Scam, apporte leur point de vue en évoquant des "divergences sérieuses sur trois points majeurs : la promotion et l’exploitation des œuvres, la transparence des comptes, le niveau des rémunérations". Alban Cerisier, secrétaire général de Gallimard, analyse la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et les présupposés des différents textes en discussion, y compris l’introduction d’un élément imprévu dans la loi Création à propos des relations entre auteurs et éditeurs. François Gèze détaille le processus d’élaboration de la loi Lemaire et regrette un "triste gâchis" à propos de l’open access. L’avocat Richard Malka synthétise son plaidoyer publié par le SNE ("La gratuité, c’est le vol") et le chercheur Alexandre Moatti examine les ressorts de l’évolution du vocabulaire, entre "numérique" et "digital".
Hervé Hugueny
Le Débat, histoire, politique, société, n° 188, janvier-février 2016, Gallimard, 20 euros. ISBN : 978-2-07-017834-6.