3 MAI - ROMAN Italie

Giulio Minghini- Photo DR/A. DI CROLLANZA

Ce serait pendant l'horreur d'une profonde nuit... Quelque part à Paris, une femme, Sophie, une comédienne, joue sa meilleure scène. Celle de sa mort, désirée, volontaire, sous le regard de son public, composé, comme il convient en pareil cas, d'un médecin, de pompiers, d'un policier et surtout de son amant, metteur en scène ayant perdu jusqu'à l'intelligence de ses propres didascalies. Et qui ne sait plus très bien si cette scène est déjà vécue, assez exagérée, fruit de son imagination ou des cauchemars qu'enfante la nuit quand l'aurore tarde à venir... Il y aurait aussi, dans ce songe mortifère, la perte d'un enfant, l'histoire d'un amour, quelques mails échangés et le théâtre vu du côté de la fascination pour Witkiewicz.

Ce méli-mélo tragique à gueule d'aube blafarde, c'est Coupes sombres, le deuxième roman de Giulio Minghini, le premier publié au Seuil, après le très remarqué Fake (Allia, 2009). Minghini y confirme la virtuosité de son style, tout de ratiocinations postmodernes. Et s'il a, voici quelque temps, traduit Crevel en italien, il lui emprunte son goût pour l'exacerbation du réel, une espèce d'hyperréalisme fiévreux qui ne laisse pas d'intriguer. Mais autant qu'on puisse juger de cette oeuvre naissante, Minghini n'est pas qu'un apprenti sorcier qui gaspillerait ses dons dans la prolixité ou le pastiche chic. Il y a dans les meilleures pages de Coupes sombres, c'est-à-dire celles où le chagrin recouvre tout, une gravité exempte de moralisme, un sens du sacré qui emblasonne le sentiment amoureux, un vertige de la perte, où rôde l'ombre du Blanchot de L'arrêt de mort. Chez Minghini aussi, la fête est finie et fait place au désastre.

15.12 2014

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