Anil Kumar Jha et son épouse Bindu, originaires du Bihar, l’un des Etats les plus pauvres de l’Inde, sont des quinquagénaires de la middle-class, habitant à Mayur Palli, un quartier de l’est de Delhi. Lui est ingénieur, elle travailleuse sociale. Ils ont un fils de 23 ans, Rupak, qui ne sait pas trop ce qu’il veut faire de sa vie, si ce n’est qu’il s’intéresse au cinéma. Les Jha sont heureux, bien intégrés dans leur milieu, leur cité, leur immeuble.
Oui mais voilà. Anil est l’inventeur d’un site Internet, www.simplycall.com, une espèce d’annuaire téléphonique des habitants et commerçants de Delhi, qu’il a revendu à une entreprise américaine, 20 millions de dollars. Un pactole pour lui, une bricole pour eux, qui auraient été prêts à payer dix fois plus. Du coup, alors que son épouse s’inquiète et garde la tête froide, le brave homme est pris de la folie des nouveaux riches : il envoie leur fils faire un MBA aux Etats-Unis, dans la modeste université d’Ithaca, près de New York, mais le garçon, déboussolé, est un mauvais élève, qui se fera renvoyer pour consommation de marijuana. Entre-temps, il est tombé amoureux d’Elizabeth, une Américaine blanche de Floride, et ne sait comment l’annoncer à ses parents. L’Indienne Serena, nièce des Gupta, des relations des Jha, ferait sans doute mieux l’affaire. Tout se dénouera à Delhi, après qu’Anil et Bindu seront venus découvrir New York, visiter le campus d’Ithaca, mais n’auront rien deviné des secrets de Rupak.
Leur grande affaire, c’est leur déménagement pour Gurgaon, quartier hyper chic en périphérie de Delhi, ghetto sécurisé pour riches, où ils ont acheté une grande villa, avec deux jardins. Il faut tout organiser, quitter leurs vieux voisins et amis, s’en faire d’autres, comme les Chopra et leur fils Johnny, un bon à rien qui se prétend poète, des gens assez prétentieux au début, mais avec qui les rapports deviendront amicaux. Dans ce profond chambardement, la seule que les Jha revoient, c’est Reema Ray, une veuve sympa qui retrouve le grand amour avec Upen Chopra (le frère du voisin, divorcé), qui l’épouse et l’emmène vivre à Chandigarh. Finalement, Gurgaon aura porté bonheur à tout le monde.
Tête bien faite et bien pleine, la jeune Bombayenne Diksha Basu est à la fois actrice de Bollywood et diplômée de Columbia University, où elle est passée par la creative writing, d’où son écriture précise, minutieuse. Mais elle a su conserver sa générosité indienne dans ce foisonnement d’histoires farfelues et de personnages hauts en couleur qui vont se retrouver dans une série télé de la Paramount. Jean-Claude Perrier