Immédiatement après la constatation du saccage de la librairie du Banquet du livre à Lagrasse, un point de vente a été symboliquement installé jeudi après-midi dans ce petit village des Corbières avec des ouvrages sur l'intolérance, la liberté d'expression et les fondamentalismes religieux. Responsable de la librairie du Banquet qu’il avait composée avec soin en présentant des ouvrages de référence en littérature, philosophie, psychanalyse et psychologie, esthétique sur « La nuit sexuelle », thème du Banquet en référence au prochain livre de Pascal Quignard, des beaux-livres, des ouvrages pour la jeunesse ainsi que les livres des écrivains invités, Christian Thorel (Ombres Blanches, Toulouse) chiffre le préjudice « au minimum » à 60 000 euros (en prix d’achat hors-taxe). « C’est un acte de haine total pour le savoir, constate-t-il. Rien n’a été épargné, ni les livres pour la jeunesse, ni les ordinateurs. »
Eloge des prédateurs
Le programme du Banquet s’est poursuivi tant bien que mal, les ateliers de civilisation grecque et de philosophie s’étant transportés de l’abbaye à l’école de Lagrasse. A 18 h 15, le philosophe Jean-Claude Milner a tenu sa rencontre sur le thème « Eloge de prédateurs » en l’adaptant à l’actualité : « Ouvrez une école, vous fermerez une prison disait Victor Hugo. Détruisez une librairie, vous confirmerez que la société tout entière est devenue une prison. Mais nous, nous sommes des aigles ; les barreaux ne nous arrêterons pas ; nous savons voler bas quand il le faut et nous savons voler haut. De la société telle qu’elle devient, nous avons tout à craindre, c’est pourquoi nous n’avons pas peur » a-t-il conclu. Vendredi 10 août au soir, Pierre Bergounioux devait intervenir comme prévu avant que Pascal Quignard ne cloture cette dixième édition du Banquet du livre par la lecture de fragments inédits de son livre La nuit sexuelle à paraître chez Flammarion en octobre.
Par la fenêtre
Parallèlement, l’enquête qui se poursuit à Lagrasse a permis de déterminer que « le ou les auteurs seraient entrés par la fenêtre du rez-de-chaussée, à laquelle ils auraient ôté les gonds, avant de ressortir par une porte battante », comme l’a indiqué à l'AFP la vice-procureure de Carcassonne, Florence Galtier.
Les organisateurs du Banquet du livre ont reçu de nombreuses marques de soutien, dont celui de Marcel Rainaud, président du conseil général de l’Aude. Par ailleurs le Syndicat de la librairie française a diffusé un communiqué soulignant : « Un tel acte de destruction, au-delà de l’aspect économique que nous ne négligeons pas, est l’expression d’une violence contre la culture et le livre qui est inadmissible et dangereuse pour la liberté d’édition et d’expression. »