René de Ceccatty a rarement été intéressé par la mise en scène de personnages de fiction. L'écrivain, éditeur, critique et biographe a toujours préféré introduire des scènes imaginaires et des personnages fictifs dans ses récits autobiographiques tels Aimer (Gallimard 1996, repris en Folio) ou L'hôte invisible (Gallimard, 2007), dont on retrouve de larges échos dans Raphaël et Raphaël.
Car le premier des deux Raphaël se trouve justement être le fameux "hôte invisible". Lequel a refait surface dans la vie de l'auteur d'Alberto Moravia (Flammarion, 2010) en lui envoyant de Corfou une carte postale. Raphaël a la chance de voyager au bout du monde grâce à un pilote de ligne. Le narrateur, lui, commence une autre balade. Et revient un demi-siècle en arrière dans une ville qu'il a habitée enfant pendant trois ans.
Tout a changé, il n'y a plus qu'un "chaos de pavillons des années 1950, de petits immeubles péteux et de maisons ouvrières de l'entre-guerre". Notre homme mène une enquête, vient déterrer un cadavre. Il n'a pas oublié le jour où un garçon de 15 ou 16 ans qui sentait le caoutchouc "a feint" de le violer. Le voici qui reçoit ensuite un coup de fil sur son portable, un appel à l'aide. Une amie s'est blessée à l'arcade sourcilière, comme cela avait été son cas, quatorze ans plus tôt, dans une ville italienne.
On découvrira aussi ici une traversée du parc Monceau ; une baignade dans un lac de Long Island ; une autre, en France, en compagnie d'une tante qui lisait à la fois Delly et les soeurs Brontë. On visitera également Nice, où une "ombre blanche" bien conservée fait entrer dans le récit le second Raphaël... Guide parfait, René de Ceccatty ne cesse de s'interroger sur le rapport entre le réel et la fiction, sur la notion de roman. Une nouvelle fois, il choisit de proposer des liens et des analogies, des réminiscences. De jouer sur le souvenir et le vertige avec une rare finesse.