Les éditeurs pourront-ils bientôt diffuser de la publicité à la télévision ? Une consultation publique l’envisage et se penche sur sa possible autorisation. Initiée en janvier par le ministère de la Culture et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), elle est ouverte jusqu’au 25 mars.
La démarche trouve sa justification dans le fait que la publicité dans son ensemble génère chaque année moins de revenus pour les médias (écrits et audiovisuels) privés gratuits, alors même qu’elle reste aujourd’hui leur principale source de financement. Les responsables sont connus : les supports numériques. En ce qu’ils ont permis à de nouveaux acteurs, dont le modèle repose sur la diffusion de contenus de tiers ou sur la fourniture de services, de capter une partie des ressources publicitaires des médias, ces derniers pèsent de plus en plus lourd dans le total des dépenses publicitaires même si, comme le souligne la consultation publique dans son texte introductif, « ils ne contribuent (pas) au financement de l’information et de la création ».
Numérique en hausse
De fait, alors même que le marché de la publicité a augmenté en moyenne de 2,5 % par an sur les 20 dernières années, porté par la montée en puissance des acteurs du numérique qui représentaient 52 % des recettes en 2022, une étude de PMP Strategy commandée par le ministère de la Culture et l’Arcom anticipe pour 2030 une répartition des recettes dirigée aux deux tiers vers ces mêmes acteurs du numérique, au détriment des autres médias.
La télévision, en particulier, devrait se maintenir à court-terme, mais aussi entamer un recul à partir de 2026, en lien avec la baisse et le vieillissement des audiences linéaires. De la même manière, les recettes publicitaires de la radio, en baisse moyenne de 0,6 % par an sur la période 2012-2022, devraient voir leur situation empirer d’ici 2030 (-1 % par an anticipé par l’étude). Encore plus touchée, la presse est quant à elle confrontée à l’effondrement structurel de ses recettes publicitaires (-5,4 % par an sur la période 2012-2022), qui devraient encore perdre un tiers de leur valeur d’ici 2030.
Arbitrages
Dans ce contexte, la possibilité d’autoriser la publicité pour les livres à la télévision est considérée comme une menace par la plupart des radios et des titres de la presse écrite, où le secteur de l’édition prend largement la parole à travers l’achat d’espaces publicitaires. Pour les éditeurs, la tentation serait ainsi grande de leur préférer le petit écran, sans que le digital en souffre pour autant. « Aujourd’hui, nous consacrons la moitié de notre budget de communication au digital, situe Arthur de Saint-Vincent, P-DG d’Hugo Publishing, filiale de Glénat spécialisée dans la romance. Si demain nous faisions de la publicité à la télévision, il y aurait nécessairement des arbitrages à réaliser, mais ce ne serait pas forcément au détriment du numérique. Cela se déciderait plutôt entre la radio, la presse et la télévision car ces trois médias s’adressent à un même type de public. La seule différence est la puissance offerte par chacun d’entre eux. »
Quoique de plus en plus concurrencée par les réseaux sociaux, la télévision présente néanmoins l’avantage d’être « très forte auprès du public affinitaire », poursuit Arthur de Saint-Vincent. « On le voit en particulier quand une émission est consacrée à la romance à une heure de grande écoute, détaille-t-il. Mais elle n’est pas adaptée à tous les profils. Nous venons par exemple de publier Fourth Wing de Rebecca Yarros qui est un gros enjeu pour nous. Mais même si cela avait été possible nous n’aurions pas eu recours à la publicité à la télévision pour elle car il s’agit d’un premier roman. De plus, l’autrice est très attendue d’une communauté que l’on peut plus facilement atteindre via les réseaux sociaux. »
Replay TV et cinéma
Mais si la télévision représente des opportunités certaines, les coûts d’entrée sont si élevés qu’elle serait pour le moment réservée aux tirages les plus importants, et quasiment toujours dans une logique événementielle. Typiquement la sortie du dernier best-seller d’un auteur à succès. Accompagner le déploiement d’une marque éditoriale, aussi connue soit-elle, serait en revanche plus compliqué. Dans le domaine des guides touristiques, Michelin juge par exemple la publicité télévisée peu adaptée à ses besoins. « La meilleure prescription reste celle qui permet de parler directement au lecteur, souligne Philippe Orain, directeur Guides de voyage et gastronomie Michelin. En revanche, nous apprécions toujours la visibilité offerte par une émission dédiée au voyage. » D’autres éditeurs de tourisme se disent quant à eux intéressés par la possibilité de sponsoriser des programmes courts, dans la même logique affinitaire que celle évoquée par Arthur de Saint-Vincent.
Affinités qu’il est déjà possible d’aller chercher à travers la publicité ciblée des replays des chaînes de télévision ou au cinéma. Hugo Publishing l’a fait en décembre dernier en diffusant un trailer autour de ses romances de Noël pour les replays TV de plusieurs comédies de Noël. Plus récemment, l’éditeur a aussi produit et diffusé un trailer dédié à Fourth Wing diffusé dans les cinémas dans le cadre de la sortie du film Madame Web, de S. J. Clarkson.