Dans les albums jeunesse, on fait parler des doudous, des animaux, des bébés, des petits enfants, mais alors, une maison, c’est bien la première fois. La narratrice, donc, somnole au tic-tac de l’horloge quand soudain elle entend une clé fourrager dans la serrure. Deux enfants, ses "chers petits", se ruent dans l’entrée, faisant éclabousser du soleil sur tous ses murs. Comment a-t-elle pu oublier ? C’est les vacances ! Du grenier à la cave, branle-bas de combat. Ouste ! Les joyeux garnements tirent les rideaux, enlèvent les housses des meubles, sortent les jouets. Bouleversée de les revoir après un long hiver, elle les observe : tous deux ont pris une dizaine de centimètres, alors qu’elle est immuable et immobile. Et hop ! Direction la mer. Là, impossible de les avoir à l’œil. Heureusement, sa vielle amie, La Tour carrée, campée sur la petite île d’en face, l’informe dans la langue des maisons. Fourbus et taciturnes, les petits montent dans leur chambre, mettant du sable partout, mais elle ne les gronde pas, préférant écouter leur respiration durant leur sommeil. Dans ce premier album d’Anaïs Brunet, on aime tout, les grandes gouaches de couleurs vives, les détails de l’ameublement de la vieille demeure et surtout sa bienveillance envers des enfants dont elle hume chaque bouffée de joie de vivre. La poésie est dans la "fenêtre ronde comme un tympan qui permet d’écouter le bruit de la mer comme si on appliquait un coquillage contre l’oreille", mais aussi dans le vieux mimosa qui touche les murs de la maison, mais "ça ne la gêne pas. Ils se connaissent depuis si longtemps". Un intérieur comme on en rêve, "qui protège contre l’orage et la tristesse, les courants d’air et les cauchemars". Fabienne Jacob