"Il faut un certain courage pour garder espoir, et un courage certain pour vivre à Beyrouth." C’est pourtant là que se réfugie Noura. Journaliste syrienne pour la BBC, elle aimerait améliorer son sort et celui de son bébé, mais son ton hardi ne plaît pas à tout le monde. Elle pensait pouvoir fuir son passé, mais cette ville "gouvernée par la peur, le silence" et la violence la verra périr prématurément. Une autre femme s’attarde dans la cité dévastée, seize ans plus tard. Maya vient d’enterrer son mari. Elle désire réaliser un documentaire sur la reconstruction de la capitale libanaise. Si la guerre civile a pris fin, les braises demeurent vivaces en ces lieux toujours "divisés dans les têtes".
Dans les ruines d’un bâtiment, Maya découvre les carnets de Noura. Elle ne l’a pas connue, et pourtant elle ressent d’emblée une forme de fraternité envers cette consœur assoiffée de vérité. La journaliste disparue ne s’est jamais remise d’un drame : le suicide de sa sœur. Un tabou symptomatique d’une société patriarcale, où l’honneur familial et l’oppression de la femmesont partout. Pourquoi certaines femmes sombrent, alors que d’autres refusent de ployer ? Noura se bat pour redonner une voix à sa sœur, mais aussi pour rester dans la vie. "Je souhaitais goûter au bonheur, sans nostalgie, que ce mot résonne avec maintenant." Il adopte le visage de Kamal, son amoureux turco-kurde, avec lequel elle échange une correspondance brûlante. "Notre rencontre ne relève-t-elle pas du miracle, toi dans un pays et moi dans un autre, séparés par les frontières et les traditions ? C’est l’amour."
Il bouleverse Maya qui retrouve la trace de Sabah, témoin de ce lien privilégié. Cette femme, muselée et trahie, témoigne à elle seule des dévastations morales et guerrières de son pays. "Chacun de nous a ses trous noirs…" La Libanaise Imane Humaydane en fait le creuset de ses écrits. Outre un travail consacré aux disparus de la guerre civile, elle a publié trois romans célébrant "l’envie dévorante de rire et de vivre" malgré les tragédies. Magnifique, celui-ci illumine trois femmes de caractère qui ne se soumettent jamais aux lois de l’injustice, manifestant leur droit à la joie d’aimer et d’espérer.
K. E.
