Dans l'insolite deuxième roman de Cécile Portier, on trouve un ornithorynque, deux fœtus de sœurs siamoises conservés dans le formol, une horloge astronomique, un lémurien de Madagascar, la photo post mortem d'une petite fille, un lot d'instruments d'optique, un dessin de cerveau, le squelette d'une chauve-souris de Bornéo en plein vol, un dauphin de Chine, un cil de Marilyn Monroe et même « la peau de la femme la plus grosse du monde »... Ces pièces étranges et rares, un curateur très professionnel a été chargé par un riche et mystérieux commanditaire de les réunir en vue d'une exposition. Il lui a été donné carte blanche et budget sans limites pour constituer cette collection et imaginer de A à Z la scénographie de ce cabinet de curiosités. Jusqu'à inventer les histoires légendaires qui leur donneront un statut de pièce originale « si obligatoire dans le genre qui [l']occupe » et justifieront leur choix et leur prix.

De toutes pièces est, au début, le journal de ces acquisitions, qui s'étale sur quatre saisons. Le narrateur souhaite faire l'inventaire descriptif et détaillé des objets collectés pour ce petit musée du bizarre, mais tout se dérègle, surtout quand le commissaire livré à lui-même se retrouve piégé dans un grand hangar de stockage dans une campagne près de la frontière du Luxembourg, avec pour seule compagnie deux gardiens mutiques et un chat. Sur « l'interface web » anonyme par laquelle il communique, le client commence à exiger des comptes. « On me demande de l'extraordinaire, puis on le refuse pour non-conformité. » La fin, le but autant que l'issue, se dérobe et une grande fatigue s'abat sur notre curateur. A la bizarrerie s'ajoutent l'absurdité, la vanité de la quête. Comme dans une fable, Cécile Portier qui connaît bien le milieu de la culture dans lequel elle travaille, livre la critique tragi-comique d'un certain milieu de l'art où l'argent dispense de se poser la question du sens et de la valeur réelle des choses.