Roman/états-Unis 21 mars Tara Isabella Burton

C'est une très vieille histoire. Celle de la bergère et du prince, qui ici est une princesse. Soit donc Louise, qui comme tant d'autres vient de loin pour vivre son rêve à New York. Son rêve d'écrivain. Un rêve caressé paresseusement, entre quotidien sinistre, appart pourri, des piges pour des revues ou des blogs que personne ne lit, une jeunesse en fuite et frottée au réel. Son seul contact avec l'objet de ses désirs (le succès en fait, plus que l'écriture) vient des quelques heures de cours de soutien qu'elle donne de temps en temps pour des gosses de riches terriblement indifférents. C'est comme ça qu'elle va rencontrer sa princesse, c'est comme ça qu'elle va rencontrer Lavinia.

Lavinia, c'est un monde, un miroir aux alouettes, la jeune fille lancée qu'elle aurait peut-être voulu être sans se l'avouer vraiment. Une espèce de Zelda à l'heure des réseaux sociaux. Lavinia danse, boit (plus que de raison), est aimée, riche, astre noir autour duquel gravitent des étoiles trop vite délaissées. Elle a pour Louise (de quelques années seulement son aînée) ce qui pourrait être une toquade ou même une amitié, autant qu'elle peut en éprouver. Elle l'installe dans son grand appartement de l'Upper East Side, l'habille, la maquille, l'introduit dans ces cercles pour qui le jour n'est qu'une longue nuit, la vie une éternelle fête. Louise va vivre quelque temps, six mois, à la lumière de sa nouvelle amie. Six mois, juste le temps nécessaire pour que meure Lavinia.

Il n'y a que Tara Isabella Burton, l'auteure de ce troublant premier roman qu'est Social creature,et son lecteur pour savoir dès les premières pages du livre le sort funeste qui sera réservé à la trop inconséquente et belle Lavinia. Social creature, dans lequel s'entendent à la fois les échos du All about Eve de Mankiewicz et du Moins que zéro de Bret Easton Ellis, est comme un opéra dédié au tragique et à la superficialité ; à ce qu'il y a toujours de l'un dans l'autre. Tara Isabella Burton y mène son étrange affaire avec une maestria romanesque indéniable. Etrange affaire...Affaire à suivre, donc.

Tara Isabella Burton
Social creature - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Elodie Leplat
Seuil
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 19,90 euros ; 352 p.
ISBN: 9781408896105

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