C’est Marion Druart, la co-présidente de l’Association des bibliothécaires départementaux - qui vient d’organiser ses journées d’étude annuelles - qui témoigne : « De plus en plus de bibliothèques m’appellent pour me dire qu’elles ne savent pas quoi répondre à tel ou tel usager qui demande de retirer un document ». Un film avec Depardieu ou un livre « trop woke ».

Une situation gênante ? Plutôt salutaire : l’occasion de créer des débats aiguisant l’esprit critique et incitant à la tolérance ! À Montreuil, des élèves conçoivent une émission où ils interviewent des essayistes ou des artistes. « C’est une manière de travailler les outils numériques, les terminologies disqualifiantes, les postures », énumère Arnaud Le Mappian, le directeur des bibliothèques de la ville. Avec le tribunal de Bobigny, d’autres élèves reproduisent un procès au pénal, en jouant tous les rôles.
Offrir des documents fiables et plurielles
« Le rôle principal des bibliothèques, avant même de créer un débat, est de créer les conditions du débat : favoriser la rencontre entre des gens différents, mettre à disposition des ressources documentaires fiables et plurielles, et donner des outils sur la prise de parole, l’expression », expose Malik Diallo, directeur de la bibliothèque des Champs libres, à Rennes.
Puis place au débat, où le « public » est hautement actif, en animant lui-même la discussion.

Et les débats sur la religion, la politique, les droits des femmes, les parasciences…?
Mais comment armer les équipes sur des sujets compliqués ? En se faisant par exemple accompagner par des journalistes et en expliquant à l’écrit le sens et le cadre de l’animation.
Là où le bibliothécaire est démuni : quand il n’a pas de soutien politique. Comme le révèle Philippe Marcerou, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, « les interventions des élus sont de moins en moins courantes pour les acquisitions documentaires. Mais dans l’action culturelle… Des intervenants sont imposés ou retirés par des mairies ». Le rapport sera publié prochainement.
Et face à des citoyens qui ne veulent rien entendre et font pression ? Le bibliothécaire est tenté d’éviter les sujets qui fâchent. « Je n’encouragerais pas une petite bibliothèque de Loire-Atlantique à organiser un débat sur le trafic aérien sans soutien des élus. Je n’encourage évidemment pas l’autocensure, mais il faut être prudent », reprend Marion Druart, qui propose qu’une petite bibliothèque inquiétée puisse se cacher derrière la bibliothèque départementale, « qui a un rôle de parapluie ».