Quand on verra arriver l'écologie chez Larousse ou un titre comme "Le loup protège la planète" chez Auzou, on pourra se dire qu'il y a un effet de masse. Mais pour le moment ce n'est pas le cas », observe Simon Roguet, libraire chez M'Lire à Laval. En jeunesse, l'écologie et le bio n'ont pas encore fait la révolution. Tous les éditeurs y consacrent plusieurs titres, quelle que soit la tranche d'âge, en fiction comme en documentaire. Mais le phénomène reste mesuré, à tel point qu'il n'existe quasiment pas de collections consacrées à ces thèmes. « Pour un éditeur jeunesse, c'est un sujet indispensable à avoir dans son catalogue, au même titre que les Egyptiens ou les dinosaures. Mais ils n'en font pas une exploitation commerciale massive », confirme Simon Roguet.
Une des explications à cette prudence réside sans doute dans la nature de la demande. Souvent abordées dans les écoles ou réclamées par les bibliothécaires, les questions liées à l'écologie ont mis du temps à atteindre le grand public. Mais depuis deux à trois ans, « le thème est sorti du champ des prescripteurs et le public s'en empare avec beaucoup de gourmandise », assure Natalie Vock-Verley. La fondatrice des éditions du Ricochet, qui a choisi les sciences et la nature comme ligne directrice pour sa maison, enregistre depuis trois ans une « belle croissance. C'est bien le signe que ces sujets attirent extrêmement aujourd'hui. »
Les éditeurs nourrissent l'intérêt du public en proposant aussi des ouvrages véhiculant un discours positif. « Loin des messages catastrophistes ou paniquants qui avaient cours il y a une dizaine d'années, on essaye de donner envie en faisant appel aux émotions ou en montrant combien la terre et la nature sont belles », indique Emmanuelle Braine-Bonnaire, directrice éditoriale jeunesse découvertes et activités chez Fleurus.
L'approche pratique est également privilégiée, avec la multiplication des ouvrages pédagogiques mettant en avant des gestes simples que les enfants peuvent reproduire. Rue de l'échiquier, arrivé sur ce secteur en 2017, distille ainsi dans ses manuels ludiques qui composent la collection « Je me bouge pour ma planète » des informations, des jeux et surtout « beaucoup de conseils techniques pour que les enfants puissent agir », souligne Thomas Bout, cofondateur de la maison spécialisée en écologie et développement durable.
« L'exercice peut se révéler limité, parce que, finalement, ce qu'on peut faire à la maison ou à l'école reste modeste au regard de l'ampleur de la tâche, mais cela marche et les enfants apprécient », appuie Isabelle Péhourticq, responsable des documentaires chez Actes Sud Junior, une des maisons pionnières sur le terrain de l'écologie.
Précurseurs dans leur famille
Chez Rustikids, la marque jeunesse de Rustica lancée d'abord avec des activités liées à la nature, « première forme de sensibilisation à l'écologie », Elisabeth Pegeon, directrice éditoriale, s'autorise même à aborder désormais « des thèmes plus élaborés que l'on retrouve chez les adultes, comme la permaculture. Les jeunes en sont friands et deviennent ainsi des précurseurs dans leur famille. »
S'ils répondent à une demande commerciale, les éditeurs jeunesse sont aussi mus par une volonté de transmettre aux jeunes générations la nécessité de préserver l'environnement. « C'est notre intérêt de contribuer à l'éducation des enfants et de les avertir de ce qui les attend », plaide Isabelle Péhourticq, qui œuvre depuis plus de dix ans sur ce terrain. Sa démarche volontariste est partagée par les auteurs, qui proposent de plus en plus de projets liés à la protection de la planète, et notamment en fiction. « Le phénomène va aller croissant », prédit-elle. W