Avant-critique Récit

Grégoire Delacourt, "Polaroids du frère" (Albin Michel)

Grégoire Delacourt - Photo © Samuel Kirszenbaum

Grégoire Delacourt, "Polaroids du frère" (Albin Michel)

Toujours plus loin de La liste de mes envies, Grégoire Delacourt prolonge sa veine autofictive familiale avec un roman cru et rude.

Parution 30 avril

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 25.04.2025 à 14h00

L'enfant fracassé. Tant pis pour ceux qui, après le succès phénoménal de La liste de mes envies (JC Lattès, 2012), considéraient Grégoire Delacourt comme un écrivain « facile », populaire. Depuis L'enfant réparé -(Grasset, 2021), son travail a pris une direction différente, plus personnelle, plus impliquée, moins aisée aussi. Ce que démontre à l'envi son nouveau livre, Polaroids du frère, sous--titré ironiquement « roman-photo ». Car, si photos il y avait, ce seraient plutôt des clichés à sensation, comme dans - Détective ou France Dimanche, jadis. Des photos d'un fait divers, forcément sordide : le cadavre, retrouvé quelque temps après sa mort, comme un chien, du frère du narrateur, son cadet de quelques mois, dans sa modeste maison de Roubaix. En dépit de quelques espoirs placés en lui dans leur jeunesse séparée (le narrateur ayant été envoyé en pensionnat, les deux frères n'ont pas été vraiment élevés ensemble), le frère a mal fini : asocial, complètement alcoolique, solitaire. Même leur sœur cadette, Claire, l'a abandonné. On apprendra, vers la fin du livre, qu'elle l'a entendu agoniser et mourir, en direct, au téléphone, et qu'elle n'a rien fait pour le secourir.

C'est l'un des passages les plus crus, les plus dérangeants, de ce livre âpre et rude, qui revient aussi sur le personnage du père, surnommé « le corbeau » (en référence au film de Carlos Saura Cría cuervos), un prédateur qui a également abusé de son second fils. Grégoire Delacourt, au cours de ces cent quatre-vingt-huit instantanés qui bousculent la chronologie, a des phrases terribles à l'égard de son frère : « Je ne t'ai pas haï, peut-être ne t'ai-je donc pas aimé non plus. » Avant d'achever son parcours sur une note plus apaisée, où apparaît enfin la notion de fraternité.

Grégoire Delacourt
Polaroids du frère
Albin Michel
Tirage: 20 000 ex.
Prix: 17,90 € ; 176 p.
ISBN: 9782226503374

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