Avant-critique Histoire

Jean-Baptiste Santamaria, "La mort de Charles le Téméraire : 5 janvier 1477" (Gallimard)

Jean-Baptiste Santamaria - Photo © Francesca Mantovani/Gallimard

Jean-Baptiste Santamaria, "La mort de Charles le Téméraire : 5 janvier 1477" (Gallimard)

Jean-Baptiste Santamaria raconte avec brio le moment de basculement politique qui a suivi la mort de Charles le Téméraire.

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Par Laurent Lemire
Créé le 07.10.2023 à 11h00 ,
Mis à jour le 09.10.2023 à 11h13

L'autre grand Charles. « Fallait-il que la Bourgogne meure pour que la France vive ? » La question est posée d'emblée par Jean-Baptiste Santamaria dans La mort de Charles le Téméraire. Le 5 janvier 1477 constitue en effet un moment de basculement inattendu. Après cette terrible bataille de Nancy, dans le froid et la brutalité extrême, le duc de Bourgogne trépasse à la tête d'une armée qui passe pourtant pour la plus puissante d'Europe. Mais Lorrains, Alsaciens et Suisses se sont coalisés pour faire chuter l'ennemi du roi de France. Louis XI n'y est pour rien, même s'il a sorti quelques écus pour financer la soldatesque. En tout cas, il savoure un succès qui n'est pas le sien et s'apprête à revendiquer le retour du duché de Bourgogne à la Couronne. Car le grand vainqueur, c'est le jeune duc René II de Lorraine. Il y retrouve quelque lustre pour son pouvoir et une devise en référence au chardon local : « Qui s'y frotte s'y pique. »

Dans cette série des « Journées qui ont fait la France », Jean-Baptiste Santamaria explore avec finesse toute la complexité du moment. La bataille, on l'a dit, se caractérise par sa violence due à l'usage accru des armes à feu et par la brutalité extrême des Suisses qui veulent en finir rapidement avec les ambitions du Téméraire. On ne sait pas d'ailleurs qui a tué ce dernier, la pratique voulant que le chef de guerre soit capturé pour exiger une rançon. L'historien (université de Lille) réinscrit cette date dans les déroutes précédentes du Téméraire en 1476. « Après avoir dû abandonner ses biens à Grandson et son courage à Morat, le duc de Bourgogne finit par perdre tout ce qui lui restait : sa vie. » Au-delà d'une lecture morale de l'événement qui a fait un tyran de celui que l'on avait surnommé le « Turc de Bourgogne », l'auteur met en évidence la « coalition des haines » qui bouleverse l'échiquier stratégique. « En décapitant l'élite bourguignonne, la défaite de Nancy ébranlait les fondations du puissant édifice construit par les ducs Valois de Bourgogne depuis l'avènement de Philippe le Hardi en 1363. »

Spécialiste des pouvoirs princiers de la fin du Moyen Âge, Jean-Baptiste Santamaria s'est fait remarquer avec Le secret du prince (Champ Vallon, 2018), une étude sur les relations entre le roi de France et le duc de Bourgogne, qui lui a valu le prix du Sénat du livre d'histoire. Plus grand public, ce nouveau récit se caractérise par l'efficacité de sa narration qui se fond habilement dans l'analyse. Avec le temps, au fil des chroniqueurs puis des historiens, cette bataille de Nancy est apparue comme une sorte de Waterloo médiéval. Le Téméraire a perdu avec panache et il a rebattu les cartes du jeu politique. En France, Louis XI préserve les institutions mises en place par les ducs de Bourgogne tout en dirigeant le royaume vers une monarchie plus autoritaire. En Europe, l'Angleterre se positionne sur les mers et les Habsbourg − la fille unique de Charles, Marie de Bourgogne, a épousé Maximilien − deviennent la force nouvelle à travers le Saint Empire germanique.

Jean-Baptiste Santamaria
La mort de Charles le Téméraire : 5 janvier 1477
Gallimard
Tirage: NC
Prix: 24 € ; 368 p.
ISBN: 9782070132058

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