— Alors, le nouveau Angot, ça parle de quoi??
— Ça ne parle pas, ça cause.
— Mais de quoi??
— Voilà bien une idée absurde. Un livre de Christine Angot, ce n’est jamais sur le quoi. Elle écrit sur le je, le jeu qui t’interpelle, te brouille, t’embrouille.
— Il y a bien un sujet??
— Evidemment?! C’est assez simple et compliqué tout de même. Elle est avec Alex, mais elle n’a pas oublié Vincent qui est parti il y a neuf ans. Le premier travaille dans la musique pour le second, qui est une sorte de chanteur à la Doc Gynéco. Grâce à Alex, elle revoit Vincent. Elle voit son dos, tu comprends, simplement son dos qui s’éloigne, et à partir de là elle ne sait plus qui choisir. C’est finalement la maladie qui prendra la décision.
— C’est un peu les feux de l’amour…
— Plutôt les flous de l’amour. On est plus dans une sorte de Jules et Jim énervé. Angot est dans le cash. Elle dit oui, non, peut-être. Elle ne sait pas, elle ne veut pas savoir et pourtant elle ne pense qu’à ça. On se dispute, on fait l’amour, on se redispute, on refait l’amour jusqu’à ce que l’autoconscience reconditionne la liberté de l’être.
— Houla, c’est le surgissement de Hegel dans la new romance?!
— Pas du tout. Il y a une vraie souffrance chez la narratrice. Elle le dit très clairement. « J’ai raté ma vie amoureuse par manque de courage. Tous ceux qui m’ont vraiment plu, je les ai fuis. J’ai essayé de compenser par l’écriture. J’ai mis toute ma libido là-dedans. »
— Mais la libido, ça ne fait pas un livre…
— Un livre de Christine Angot, si?! Elle sait s’y prendre. Elle écrit comme elle parle, elle parle comme elle vit, elle dit « on est où là?? », ou « tu peux pas savoir ». Pour une des scènes d’amour, elle se contente d’un « Il rentrait, il sortait, il a joui ».
— Un peu comme s’il allait faire les courses…
— Oui, mais des courses existentielles, des courses contre le temps. La fin le prouve d’ailleurs.
— Mais, c’est bien??
— Alors là, c’est le pompon?! Qu’est-ce qui est bien??
— Bref, on n’en saura pas plus…
— Pas plus, je rêve. Tout est déjà dit dans ce qu’il n’y a plus à dire. Parce ce que ce qui est dit est déjà mort. Angot ne parle pas, elle évoque, elle convoque, elle équivoque.
— Bon, je ne vais peut-être pas ne pas l’acheter.
Un tournant de la vie
FLAMMARION
Tirage: 50 000 ex.
Prix: 18 euros ; 192 p.
ISBN: 9-782081-444218