Le même carnet qu’utilisait Hemingway, Van Gogh, Matisse ou Mallarmé… C’est l’argument de choc que Moleskine a employé pour séduire des générations d’amoureux de littérature, d’artistes en herbe ou d’âmes voyageuses. Devenu mythique en l’espace d’une quinzaine d’années, son petit carnet noir n’a pourtant pas été réellement utilisé par ces créateurs de légende. Déposée en 1998 pour la première fois par l’entreprise italienne Modo & Modo, la marque Moleskine tire son nom de mole skin (peau de taupe), un coton vernis qui recouvrait des carnets que l’écrivain britannique Bruce Chatwin évoque dans son roman Le chant des pistes. Mais qu’importe : grâce à cette petite supercherie marketing, la marque s’est imposée comme la préférée des bobos et des artistes en tout genre. Un succès tel que la société milanaise créatrice du produit a été rachetée en 2006 par SG Capital, un fonds d’investissement de la Société générale, avant d’entrer en Bourse à Milan en avril dernier. En 2012, l’entreprise a vendu 13 millions de produits dans 90 pays, et affichait un résultat net de 19,7 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 78 millions. Plutôt cher (entre 11 et 16 euros le format de poche), le carnet Moleskine classique noir ou rouge n’est pourtant distribué que dans les musées, les magasins branchés et les librairies, qui captent environ 60 % des ventes.
Merci la librairie
Présentoirs griffés, bandeaux appliqués comme sur les romans : le petit carnet a été positionné dès son lancement comme un produit culturel, « un livre qui reste à écrire ». Diffusé en France par la Sofédis, il est présenté aux libraires avec une remise de 45 %. Les achats se font à compte ferme mais avec la possibilité de commander de petites quantités. « C’est un produit valorisant pour la librairie, et notre fonctionnement permet de commencer l’activité avec des basiques puis de tester ensuite d’autres produits à petite dose », estime-t-on à la Sofédis. Après une première phase d’implantation de présentoirs classiques, la Sofédis est passée à la vitesse supérieure en proposant aux plus gros points de vente des îlots Moleskine (120 × 80 cm). Désormais installés dans une cinquantaine de grandes librairies, ces petits meubles qui présentent près d’un millier de volumes ont permis d’asseoir la marque. Récemment, un nouveau cap a été franchi avec l’implantation de linéaires complets de 4 mètres dans les Fnac Forum et Montparnasse, à Paris. La prochaine étape sera le développement de l’offre dans les Relay, où seront mis en place des univers Moleskine avec des carnets, des stylos et des accessoires pour Ipad. Ce nouveau concept, déjà testé à l’aéroport d’Orly et à la gare de Metz, devrait bientôt être mis en place à Roissy Charles-de-Gaulle. Face au succès remporté par le petit carnet noir, Moleskine a peu à peu amplifié sa gamme de produits : carnets de voyage, accessoires de lecture, bagagerie. A l’été 2013, la marque s’est mise à la couleur en développant une gamme de carnets flashy. Il est donc désormais possible d’assortir son Moleskine à son slim. <