Certains écrivains appartiennent à un genre : leur oeuvre en suit les jeux et les contours. Ils sont publiés dans des collections dédiées - polar, science-fiction, etc. C'est sous cette dernière appellation qu'on connaît le Canadien d'adoption R. C. Wilson. Julian, publié comme les précédents dans la collection "Lunes d'encre", ne fait pas exception. Sauf qu'il faut bien le reconnaître : l'étiquette science-fiction ne suffit pas...
Ecrit parallèlement à la trilogie Spin (dont la traduction du dernier volume est prévue pour l'année prochaine), Julian relate les aventures du héros éponyme, inspiré de l'empereur romain du même nom. Celui-ci a laissé à la postérité l'image (un peu déformée) d'un empereur défiant sa famille et prônant la tolérance et la liberté d'esprit. Au XXIIe siècle de notre ère, Julian Comstock va lui aussi défier son oncle, tyran usurpateur et fratricide, et l'ensemble du Dominion, sorte d'Opus Dei qui a pris le pouvoir sur l'Amérique après la fin de l'ère pétrolière. Mais ici l'avenir se conjugue au passé : nos descendants sont revenus à la lanterne magique et à la locomotive à vapeur, dans un paysage où nos mégalopoles ont l'allure de cités médiévales.
Au-delà de l'évocation magistrale d'un monde réorganisé après l'apocalypse environnementale, l'ouvrage se fait donc à la fois roman d'aventures, de guerre, et même roman d'apprentissage picaresque puisque le récit commence à l'adolescence du héros. Si l'on se perd parfois dans la surabondance d'intrigues secondaires et de rebondissements variés, l'ensemble livre une fresque au souffle épique et une méditation acérée sur l'humanité. Impossible de dire que son auteur appartient à la science-fiction - c'est bien plutôt la science-fiction qui lui appartient.