Sous la ligne de feu. Là où le polar français à l'ancienne rencontre la belle écriture qui fait mouche. Là où l'on retrouve la grisaille provinciale et mélancolique des ères Pompidou ou Giscard. Dans la foulée du Carré des indigents (Rivages, 2022), la nouvelle enquête de l'inspecteur principal Claude Schneider couve au rythme sombre et pondéré d'un film en noir et blanc sous les braises d'un incendie criminel et meurtrier. Ce dernier est le point de départ d'un écheveau envoûtant et élégant, structuré comme toujours par cet art inimitable de s'attarder sur chaque personnage, même secondaire, pour l'étoffer et lui octroyer sa part du tableau. Du planton du commissariat au maçon pyromane, de la valetaille aux puissants, de haut en bas du panier, tout ce joli monde se croise, croise les doigts pour sa survie, croise le fer pour une misère ou de juteux desseins. Les destins parallèles de bas du front ou de hauts perchés s'infléchissent et finissent par se percuter au pays des grands cinglés. Ceux-ci prennent forcément l'ascendant et les premiers rôles, avec le Diable en special guest pour embrouiller les pistes, convoquer les esprits et épaissir les brumes lorraines. Plus cartésiens, Schneider et son équipe s'en tiennent à émonder leur cheptel de suspects. Mais pour tous, la sauvagerie s'en mêle et n'empêche pas ceux qui croient aux vies successives de perdre la première. Que peut-on contre le Malin et les pouvoirs, sinon quelques croche-pieds illusoires ?