Paru chez Einaudi en 2011, ce recueil est devenu un best-seller, puis un livre culte, dans une Italie enfin débarrassée de Berlusconi et de son système mafieux - à défaut de la corruption et de la mafia en général. Trois écrivains phares de la scène littéraire transalpine, auteurs de littérature policière ou de crime novels, se sont réunis afin de célébrer trois juges intègres, du présent ou du passé. Une sorte de pied de nez face à la réalité italienne actuelle, de profession de foi politique et morale résolument optimiste. Et cela donne, avant tout, un livre d'une grande qualité littéraire.
L'illustre et prolifique Andrea Camilleri, père du commissaire Montalbano, se moque de sa Sicile natale, laquelle n'a guère changé depuis le XIXe siècle. Quand le nouveau gouvernement de l'Italie unifiée par le Piémont envoyait des magistrats réorganiser et rendre la justice à travers tout le pays. C'est ainsi que débarque un beau jour à Montelusa le juge Efisio Surra, qui se heurte d'emblée à la Fratellanza, l'ancêtre de la Maffia (comme on écrivait à l'époque). On lui tire dessus, on cherche à l'intimider, on dynamite son bureau et son armoire à documents. En vain. Durant trois ans, il va poursuivre sa tâche, traquer les corrompus, la racaille qui tenait le haut du pavé. Puis il retournera dans le Nord. Un héros ? Non. En fait, peu informé des codes locaux, il a simplement ignoré les menaces dont il était la cible.
Lucarelli, lui, situe sa nouvelle à Bologne en 1980, à la fin des "années de plomb". Le juge est une femme, Valentina, surnommée "la Gamine", mais qui n'a pas froid aux yeux. En dépit du danger, elle traque les flics ripoux, les faux carabiniers assassins même de leurs collègues, contre qui, en utilisant des méthodes il est vrai pas très catholiques, elle va gagner une manche.
Giancarlo De Cataldo, lui-même juge à la cour d'assises de Rome, raconte l'histoire d'Ottavio Mandati, procureur de la République au tribunal de Novere, qui mène un combat sans merci contre Pierfiliberto, le maire pourri de la ville, son ennemi de toujours. Et ce, depuis l'école, quand il l'humiliait par son argent, son entregent. Mais cette fois, il est allé trop loin, et même son fils, une sale petite frappe camée, ne pourra pas le tirer d'affaire.
Outre leur talent et leurs bonnes intentions, Camilleri, Lucarelli et De Cataldo ont un solide sens de l'humour, de l'ironie et de l'autodérision, du giallo. Leur recueil fait penser à ces films à sketches des années 1970-1980, signés Risi ou Scola, qui firent la gloire du "nouveau réalisme" italien.
