Fragmentée, spécialisée, enrichie ? Le devenir de la lecture de la presse en ligne

Fragmentée, spécialisée, enrichie ? Le devenir de la lecture de la presse en ligne

Les disparitions de journaux s'enchaînent. Certains titres peinent à survivre. Les plans sociaux attestent de l'ampleur de la crise. Dans cette période douloureuse, le couple papier-écrit est plus que malmené. La migration vers le numérique ne constitue pas seulement un changement de modèle économique ; elle entraine de concert trois bouleversements de la lecture de la presse, pour tous ceux qui s'affranchissent du mode de lecture calqué sur celui du papier, avec des pages numérisées que l'on feuillette au plus près des pratiques existantes dans le monde physique.  Quels sont donc les trois changements radicaux qui se produisent ?   Le premier est la fragmentation : le lecteur découpe le journal dans l'indifférence quant à l'ordonnancement des pages.  Le second est la spécialisation : le lecteur qui s'intéresse à tel ou tel sujet ne s'oriente que vers celui-ci, en utilisant les moteurs de recherche, ou par le biais d'un abonnement ad hoc ; il ne voit plus les pages qui ont trait à d'autres questions qu'à celles qu'il a préalablement sélectionnées. Le troisième est l'enrichissement : la lecture, certes spécialisée, conjugue différentes sources. Elle peut s'accompagner d'images et de sons, de la possibilité d'apposer des commentaires, etc. Comment évaluer les effets de ces bouleversements de la lecture de la presse sur la citoyenneté, sur la qualité et la fiabilité de l'information, sur le rapport au journal et plus généralement à l'écrit ? La spécialisation accroit la compétence sur tel ou tel sujet, mais elle éloigne l'individu de l'homme éclairé disposant d'une vision du monde et de ses changements. De la fragmentation, on sait peu de choses : se produit-elle à l'intérieur des articles, ou bien à la faveur d'une sorte de promenade parmi les textes, ou encore au travers d'une interaction avec l'environnement numérique (e-mails, réseaux sociaux, etc.) ? Ces trois formes de fragmentation peuvent se cumuler. Mais on ne sait ni comment ni pour quel résultat. Quant à l'enrichissement, il oscille entre le gadget et l'apport véritable. Tout un continuum de possibilités se fait jour. Sans compter que des enrichissements peuvent être réussis parce que le lecteur y est sensible, et que d'autres le sont moins parce qu'ils échappent au lecteur ou réduisent l'attention au texte au profit d'une lecture distraite et inattentive. Une étude sur le livre de jeunesse montrait récemment que les enfants peuvent aller jusqu'à oublier l'histoire qu'on leur raconte au profit des ajouts que l'auteur propose.   La variété des modèles de consultation et d'achat des journaux et des articles, sur le Net, témoigne de ces incertitudes. La lecture numérique se développe et s'installe dans nos mœurs. La lecture de la presse en est la partie la plus précoce et visible. D'autres lectures numériques suivront, qui prendront distance avec les premiers constats. La construction de modèles économiques doit être attentive à la manière dont les pratiques effectives se déploient, entre duplication de ce qui existe et formes nouvelles et parfois inattendues du rapport aux textes et à leurs auteurs.
15.10 2013

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