Le vendredi 3 octobre 1980, soir du shabbat, une bombe explose près de la synagogue de la rue Copernic à Paris, en plein office religieux, faisant quatre morts et quarante-six blessés. 13 novembre 2015, le Bataclan. Entre les deux, l'ordinaire sans frontières de la haine, sans raison, ni trêve. L'histoire entre chien et loup de silhouettes à peine esquissées, passagers clandestins d'un récit, d'une colère, qui les dépassent. Comme ce juge sud-africain, Richard J. Goldstone, chargé par les Nations unies d'établir un rapport d'enquête, qui portera son nom, sur l'opération Plomb durci menée par Israël dans la bande de Gaza. Ce rapport s'avérera extrêmement sévère pour l'Etat hébreu et son armée, avant que deux ans plus tard, dans un entretien au Washington Post, à la surprise générale et d'abord des autres membres de la commission, le juge Goldstone ne remette en cause ses conclusions initiales.

Pourquoi un tel revirement ? C'est ce qu'aimerait savoir le narrateur de Frontières. Editeur, il commande à W, un ami perdu de vue depuis plus de dix ans, journaliste et écrivain, une enquête à ce sujet. Celui-ci, avec l'assentiment tacite de son commanditaire, excédera bien vite les limites de cette enquête. « Vous m'avez fait former des fantômes », écrivait Sade ; c'est bien de cela qu'il va dès lors s'agir. D'une théorie de spectres comme autant de mauvais rêves, agents doubles, triples, causes et conséquences brumeuses. Olivier Benyahya offre avec Frontières (en plus narratif) comme un « remix » de son précédent livre, Lazar (Editeur singulier, 2016). Une sombre balade où l'Histoire se grime des atours les plus précieux de la paranoïa.