L'industrie du papier graphique, celui sur lequel on écrit, n'investit plus dans la recherche. Comme le montre notre enquête, elle prend acte de la prochaine victoire du numérique dans ce domaine et rend les armes.
Pourtant, le charme et la vertu du papier seront célébrés en boucle dans les médias à partir du 29 février, date de sortie du nouveau livre d'Erik Orsenna, Sur la route du papier. Le plus technophile de nos académiciens français - il a fait partie avec Jacques Attali des tout premiers à miser sur les liseuses électroniques - compose cette fois une ode à "cette matière magique, si souple et si résistante, si prête à tous les usages". Pourtant, il est revenu de son tour du monde sur la piste du papier plus convaincu que jamais d'appartenir "au dernier carré des irréductibles, ceux qui n'écrivent leurs livres qu'au crayon (bois et carbone) sur des feuilles (de papier)". Et finalement, son livre hommage au papier résonne aussi comme un De profundis...
Si Erik Orsenna a probablement rangé quelques anciens manuscrits non publiés dans ses tiroirs, beaucoup d'autres écrivains remisent désormais leur travail dans le disque dur de leur ordinateur ou sur des clés USB. Ce qui risque d'envoyer aux oubliettes une très traditionnelle activité éditoriale : la publication de textes inédits retrouvés "miraculeusement" au fond de malles poussiéreuses. Cela a été le cas, tout récemment, du roman autobiographique de Lawrence Durrell, Petite musique pour amoureux. Le 1er mars, c'est un inédit de jeunesse de Georges Perec, Le condottiere, que Le Seuil publiera. Ecrit certainement en 1960, le manuscrit a été retrouvé par hasard par un chercheur dans les années 1990 alors que Georges Perec lui-même, mort en 1982, le croyait perdu. Enfoui dans la mémoire d'un ordinateur, un texte sera-t-il encore lisible trente ou quarante ans plus tard ? Avec les techniques d'aujourd'hui, ce ne serait pas le cas. Mais d'ici là...