Lisse, le trait très lisible, dans la tradition franco-belge. Lisses, les couleurs franches mais atténuées, comme écrasées par la chaleur et la sécheresse de ce mois d’août 1948 aux confins du Montana. Lisses aussi, en apparence, le Mercer county et son chef-lieu, Bentrock (moins de 2 000 habitants, à 19 kilomètres de la frontière canadienne), tout comme la famille de David, 12 ans, le témoin et narrateur de Montana 1948 que l’auteur belge Nicolas Pitz, qui avait déjà signé Luluabourg, en 2011 chez le défunt Manolosanctis, a adapté du roman éponyme de Larry Watson (Lattès, 1996, puis Gallmeister, 2010 et janvier 2017). Pourtant la tranquillité de cette famille et celle du bourg tranquille de l’Amérique profonde où elle réside vont peu à peu se désagréger sous l’effet d’un scandale longtemps étouffé.
La famille de David est l’une des plus respectées du comté. Son père, Wes, en est le shérif comme son père l’était avant lui. Son épouse l’aurait préféré avocat, mais il a été marqué par un accident à 16 ans, la ruade d’un cheval qui l’a laissé boiteux. Heureusement, au quotidien, il a surtout affaire aux alcooliques de fin de semaine et aux querelles de voisinage : il ne porte même pas d’arme. Quant à l’oncle de David, Frank, c’est le héros de la famille. Médecin, il a été décoré pour sa bravoure lors la Seconde Guerre mondiale. Or les plaintes de jeunes Indiennes, à commencer par celle de Marie, domestique dans la famille de David, où elle est traitée comme une amie, vont faire apparaître que le médecin ne se contente pas de les soigner.
En tant que shérif, c’est Wes qui, même s’il s’y résout difficilement, doit enquêter. Il se heurte à l’hostilité de son père, qui a conservé un puissant réseau d’influence. La famille et plus largement l’image idyllique du bourg rural vont se lézarder sous les yeux de David, dont Nicolas Pitz montre avec délicatesse la sortie de l’enfance au fil d’un récit d’initiation parfaitement mené. Fabrice Piault