Les éditeurs de roman jeunesse concoctent chaque année une rentrée littéraire plus ambitieuse, cet automne étant marqué par les nouveautés de plusieurs grands noms du genre. Fabrice Colin, Clémentine Beauvais, Marine Carteron, Susie Morgenstern, Antoine Dole... marqueront l'automne 2018. Et lorsqu'un grand nom de la littérature générale fait une incursion de ce côté-ci, cela crée aussi un frémissement. Cette année, ce sera Olivier Adam, avec la parution chez Robert Laffont, dans la collection « R », de La tête sous l'eau, sept ans après son dernier roman jeunesse à L'Ecole des loisirs. Le nouveau livre de Clémentine Beauvais est aussi l'un des plus attendus : Brexit romance (Sarbacane) ose l'analyse d'une « génération Smartphone » à grands coups de jeux de mots franco-anglais pour mettre à mal le Brexit. A l'image d'un grand nombre des romans de cette rentrée, ces deux textes s'inscrivent dans des univers très réalistes.
L'année du vrai
Très attaché aux thématiques liées à son lectorat, le roman pour adolescents reprend ainsi pied dans le réalisme. Les grandes sagas fantastiques paraissent en retrait cette année par rapport aux précédentes (voir encadré p. 78). Explorer des problématiques liées à l'âge des lecteurs demeure une des lignes de fond du roman jeunesse. Pocket Jeunesse lance la collection « Et alors ? », dans laquelle Elisabeth Brami signe des textes dictés par des situations du quotidien des enfants de 7-10 ans : La maîtresse me stresse... et alors ?, J'aime pas mon prénom... et alors ?... Dans la même veine, Mon premier jour de classe (Little Urban) est un court roman de Davide Cali avec des illustrations d'Amélie Graux. Plus on grandit, plus les épreuves se corsent. Avec POV : point of view (Syros), Patrick Bard s'attaque sans tabou au cybersexe. Dans La vie commence aujourd'hui (La Joie de lire), Christophe Léon aborde l'éveil à la sexualité d'un adolescent tétraplégique tandis que Le goût amer de l'abîme (Nathan Jeunesse) de Neal Shusterman parle de la maladie mentale.
De nombreux titres sondent également l'adolescence de façon plus classique et un peu plus légère. Jean-Philippe Blondel poursuit son exploration de la pratique artistique des adolescents avec Dancers (Actes Sud Junior). L'amour demeure une préoccupation incontournable et la rupture en est une facette inévitable. Mathieu Pierloot s'en empare dans Summer kids (L'Ecole des loisirs). L'été de son héros est de ceux qui déterminent l'adulte en devenir. Certainement comme l'escapade en Italie de Maggie, l'héroïne du premier roman de Séraphine Menu, Les déclinaisons de la Marguerite (Thierry Magnier). Dans Cœur battant (Sarbacane), Axl Cendres met en scène une bande gentiment foutraque de joyeux suicidaires. Antoine Dole est lui aussi l'une des signatures françaises aimant explorer les aspérités adolescentes. Avec Ueno park (Actes Sud Junior), il propose un roman choral au Japon. L'héroïne de Susie Morgenstern, Bonnie, poursuit sa vie chez Saltimbanque (après La Martinière Jeunesse) et revient dans Accroche toi !. La romancière franco-américaine y raconte le cancer d'Omama, la grand-mère de l'héroïne. L'un des textes les plus littéraires de cette rentrée est certainement Milly Vodovic de Nastasia Rugani (Tous les héros s'appellent Phénix) qui a suivi l'éditrice Chloé Mary après son départ de L'Ecole des loisirs pour créer la collection de romans chez MeMo. La violence contemporaine est abordée frontalement tout en y mêlant des phénomènes subtilement étranges.
Un peu de peur, beaucoup de gaité
Sur le créneau des lecteurs plus jeunes, les éditeurs sont en revanche à l'affût d'un étrange et d'un fantastique mais avec un objectif clair : faire rire ! Flammarion sort Panique au cimetière !, premier tome de Zombies zarbis de Marie Pavlenko et Carole Trébor. Amélia Fang et le bal barbare (Casterman) de Laura Ellen Anderson est une histoire de « vampirette », et Mortina (Albin Michel Jeunesse) de l'Italienne Barbara Cantini raconte les aventures d'une petite zombie qui peine à intégrer un groupe d'enfants. En rentrant de l'école, le héros de L'attaque des cubes (Rouergue), nouvelle aventure de Marine Carteron, tombe lui aussi nez à nez avec deux zombies mais d'un tout autre genre, puisque la romancière s'est plongée dans l'univers à la mode de Minecraft.
Loin des jeux vidéo et plus proche des contes, Hélèna Villovitch nous invite au Village des monstres (Bayard). Dans le monde pestaculaire (et terrib') de ma sour Minnie (et de son vilain lapin)(Poulpe Fictions) de Lissa Evans pourrait être présenté comme un cousin déjanté et éloigné d'Alice au pays des merveilles. Cette jeune maison d'édition poursuit par ailleurs sa série Nos amies les sales bêtes avec Adèle, licorne malgré elle. Pour présenter La mafia des bonbons de Lavie Tidhar, Castlemore n'hésite pas à convoquer Roald Dahl. Enfin, deux titres pour cette tranche d'âge se démarquent par leur absence de zombies ou licornes et leur humour très singulier : Ma vie moisie, Dieu et moi, Shirley Banana (collection Pépix, Sarbacane) d'Emilie Chazerand et Foot et radeaux à gogo, de la Norvégienne Maria Parr (prix Sorcières 2010) chez Thierry Magnier.
Une aventure d'hier
Les deux guerres mondiales imprègnent encore la fiction jeunesse cet automne. Flash (Bayard) est l'histoire d'un chien pendant la Première Guerre mondiale tandis que Quelque part le soleil brille encore (Didier Jeunesse) de Michael Gruenbaum est le témoignage d'un survivant ayant passé quatre ans dans le camp de Terezin. Dans Le chant des baleines (Talents Hauts), Nicolas Michel aborde le sujet des tirailleurs sénégalais et Le ruban rouge (Pocket Jeunesse) est inspiré par l'histoire vraie des couturières d'Auschwitz. L'auteur de bande dessinée Nicolas de Crécy signe un premier roman, Les amours d'un fantôme en temps de guerre (Albin Michel Jeunesse), dans lequel un jeune fantôme s'engage dans la Résistance. Avec Le fabricant de poupées de Cracovie (Gallimard Jeunesse), R.M. Romero propose un conte fantastique qui commence dans le ghetto de Varsovie en 1939.
Pour sa première publication chez Gulf Stream, Lorris Murail, fidèle à ce genre qu'il affectionne, ajoute une pointe de science-fiction à Chaque chose en son temps qui se passe en 1915 et en 2015. L'histoire plus contemporaine inspire des romans défendant des causes comme Rosa Parks : elle a dit non au racisme (Scrineo) de Florence Lamy et Sauvages (Thierry Magnier) de Nathalie Bernard. La romancière raconte l'histoire de Jonas, inspirée par la réalité des terrifiants pensionnats dont le but était de tuer « l'Indien dans l'enfant » au Québec.
Livre héros
Quel que soit le genre, quel que soit l'âge du lecteur, les romans ont un héros récurrent : le livre. Le sujet se décline : écriture, lecture, livre dans le livre ou même biographie romancée d'auteurs comme Emile : l'intraitable Zola (Hachette Romans) de Bertrand Puard, deuxième titre d'une collection narrant la jeunesse des grands auteurs. J'exagère à peine (Seuil Jeunesse) est peut-être l'un des romans les plus singuliers. Fabrice Colin y dresse une fausse autobiographie fantaisiste dans laquelle il raconte comment son personnage a l'intention de devenir romancier. Même l'auteure des best-sellers des Filles au chocolat, Cathy Cassidy, place une bibliothèque au cœur de l'intrigue du premier tome de sa nouvelle série Le bureau des cœurs trouvés (Nathan Jeunesse). Plus classiques, trois romans expliquent comment des adolescents surmontent des épreuves grâce à l'écriture et à la lecture : Un été de poésie, d'amour et de vie (Milan Jeunesse) de Bernard Friot, La théorie de l'iceberg (Gallimard Jeunesse) de Christopher Bouix, et La vie dure trois minutes (Rageot) d'Agnès Laroche. Lecture et écriture ne sont pas l'apanage des histoires romantiques. Dans Le trésor de Barracuda (L'Ecole des loisirs), récit de piraterie de l'Espagnol Llanos Campos, le trésor découvert dès le premier chapitre n'est rien d'autre qu'un... livre !
Lever de rideau
Le théâtre jeunesse existe et est susceptible de trouver son public. Après tout, ce sont des dialogues ! Actes Sud lui consacre la collection « Heyoka jeunesse », où on retrouve de grands dramaturges comme Joël Pommerat et qui accueille quatre nouveaux volumes à l'automne. Parmi eux, Alice Zeniter revisite Hansel et Gretel. L'intrigue prend place dans un no man's land urbain et contemporain.
« Théatre » à L'Ecole des loisirs programme aussi à cette rentrée quatre nouveautés dont I love you mon biniou d'une auteure habituée du catalogue, Pascale Petit. Même régime pour « Théâtrales jeunesse » aux éditions Théâtrales avec quatre titres à paraître. Syros reste prudent avec sa série « Théâtre à jouer » et publie en septembre son unique nouveauté annuelle, Coule cool, pirate ! d'Eric Simard. Enfin, chez Gallimard Jeunesse, François Place revient avec Le marquis de la baleine présenté par l'auteur comme « une comédie tragique en six actes pour trois personnages et une baleine ».
La fin du monde n'a pas disparu
Si les grandes sagas magiciennes ou apocalyptiques sont moins nombreuses, elles n'ont pas disparu. Slalom ouvre son catalogue aux romans adolescents avec deux titres. Les mange-rêve de Jean-Luc Le Pogam se passe en 2034, dans un univers terrifiant : les artistes sont pourchassés et il fait - 50 °C. Pour Alex Cousseau, NIHIL (Rouergue) est le point zéro d'un monde fait d'îles dans lequel on croise un bateau de Vikings et un sous-marin nucléaire. Pour les plus jeunes, Nevermoor (Pocket Jeunesse) est l'occasion de rencontrer une jeune héroïne, qui plutôt que de mourir à 11 ans découvre un nouveau monde. Deux ouvrages très différents ont pour point commun de nous embrouiller dans le temps. Les 650 pages du Dernier magicien (Casterman) de Lisa Maxwell forment un premier tome dont l'héroïne magicienne circule d'époque en époque, et dans Timeless (Bayard Jeunesse) d'Armand Baltazar, une collision temporelle a transformé le monde. Désormais, les dinosaures côtoient les calèches et les robots. Pour les plus âgés, Ash princess (Albin Michel Jeunesse) de Laura Sebastian rappelle l'univers de Game of thrones, et avec Dix jours avant la fin du monde (Gallimard Jeunesse), Manon Fargetton signe un roman catastrophe, drôle et efficace.
Je ris, tu ris, nous rions
L'album jeunesse fait sa rentrée 2018 avec le sourire, abordant aussi bien les complexes physiques que la géopolitique et les questions sociétales par le biais de l'humour. _ par Fabienne Jacob
Dans l'album jeunesse, l'humour fait feu de tout bois. A commencer par les pensums comme la conjugaison, que la malicieuse Claudine Desmarteau revisite avec irrévérence dans la nouvelle série Les conjugouillons (Flammarion). Et pourquoi pas rire de ses complexes physiques ? Dans Qui veut avoir les yeux bleus ? (Gallimard Jeunesse) de Nathalie Azoulai et Victoire de Castellane, une petite fille déteste ses yeux bruns qui, selon elle, ouvrent seulement sur des cagibis et des corridors sombres, alors qu'une paire d'yeux bleus permettrait de voir la mer et des paysages ! Pour l'enfant, l'adulte est souvent drôle, car illogique. Il interdit par exemple les gros mots alors qu'il est le premier à les hurler en voiture, se gausse l'album Les grandes personnes (Elisabeth Brami et Zelda Zonk, Talents hauts). Les grands-parents, dont la mémoire est trouée comme un gruyère, ne sont pas en rade. Dans le rigolo Oh ! Quelle pagaille ! de Brian Cronin (Albin Michel Jeunesse), Grand-père a tout paumé, ses chaussettes, ses lunettes et même ses... dents. Au petit lecteur de les retrouver dans le bric-à-brac d'un manoir encombré dont chaque pièce est un tableau monochrome.
La géopolitique des grands aussi est hilarante. Hôtel Bellevie de Didier Lévy et Serge Bloch (Sarbacane) a pour cadre un hôtel décati dont l'une des résidentes permanentes est Mamie Bémol, reine en exil du Bémolistan ! Moqués aussi copieusement, les tracas du quotidien, comme la manie du retard dans L'ours contre la montre de Jean-Luc Fromental et Joëlle Jolivet (Hélium). Poilant également, le Ratapoil de Delphine Durand (Rouergue), où le héros a toujours de nouveaux ennuis. Dans Il était une fable (Pascal Teulade et Adrienne Barman, La Joie de lire), ce sont les animaux de La Fontaine, devenus intermittents du spectacle, qui supplient un auteur de leur redonner vie ! Surprise ! Le narrateur est parfois un objet inanimé, comme cette scie qui gît au fin fond d'une menuiserie dans l'original Les péripéties de Sidonie de Renaud Perrin (Rouergue). Ou encore une sécrétion peu noble du corps humain, les crottes de nez par exemple, d'Amour, beauté et crottes de nez (Mrzyk & Moriceau, Les Fourmis rouges). Autre personnage fendard mais humain, le bien-nommé Denis fifty fifty d'Olivier Costes et Laurent Simon (Seuil Jeunesse). Il fait tout à moitié, à commencer par son âge, il a cinq ans et demi...
Rien de tel que le rire pour dédramatiser les peurs de l'enfant. Le meilleur loup de l'année de Géraldine Maincent et Roland Garrigue (Flammarion) terrasse une peur ancestrale avec un grand concours de loups dont le lauréat est le plus timide, celui qui veut jouer avec une fillette ! On rit de tout, même de ce qui fait vraiment peur comme les catastrophes. Dans l'album découpé Catastrophes !, signé Loïc Gaume chez Thierry Magnier, Monsieur fait un banal petit accident de voiture, s'en suivent un carambolage puis un coup de tonnerre, une avalanche, bref des catas en série.
Y a pas que moi au monde !
Face à une société de plus en plus individualiste, l'album jeunesse délivre un message altruiste. Dans la boutique de madame Nou (Jo Witek et Nathalie Choux, Actes Sud Junior), on ne vend rien, on n'achète rien. Tout se donne, du temps, des sourires, de l'amour. Dans Et si c'était lui ? (Jean-Loup Felicioli, Syros), une famille recueille à Noël un SDF en qui la fillette croit reconnaître le père Noël. Glénat Jeunesse fait l'éloge du partage avec un album dopé à la tendresse et à l'humour Cookie (Mary Sullivan). L'édition de jeunesse sensibilise, sans le heurter, son lectorat au problème des migrants. Comme dans L'extraordinaire voyage du chat de Mossoul (Elise Fontenaille, Sandrine Thommen, Gallimard Jeunesse), d'après l'histoire vraie d'un chat perdu à Lesbos et qui a retrouvé ses maîtresses en exil en Norvège. Fuis tigre ! de Gauthier David et Gaëtan Dorémus (Seuil Jeunesse) livre aussi une histoire sur le déracinement et l'espoir d'une vie meilleure. Coup de projecteur encore sur les autres cultures avec Tiens-toi droite de Rémi Courgeon chez Milan. Une injonction qu'Adjoa a entendue cent fois à Djougou où, pour faire grandir une petite fille, on lui pose des trucs sur la tête...
La vision poétique du monde est une autre valeur cardinale. Tout est possible dans l'enfance. On peut tenter de mettre en cage des créatures pourtant indomptables comme les nuages (Si tu trouves un nuage de Michaël Escoffier et Kris Di Giacomo, Kaléidoscope). Ou se lier d'amitié avec un bison comme dans le magnifique Mon bison (Gaya Wisniewski, MeMo, voir page 84). Ou encore renommer les poissons (les « trobos » les « toukipiks »), comme dans Bulles, bestiaire imaginaire de la mer, album avec bulles découpées dans les pages comme si on regardait à travers un hublot (Laetitia Le Saux, Didier Jeunesse).
La poésie se glane aussi dans la vie ordinaire. Tout est question de regard. Dans A travers de Tom Haugomat (Thierry Magnier), toute une vie simple et grandiose défile par les fenêtres, écrans, lucarnes, de la maison natale jusqu'au cosmos métaphysique. Les contes aussi sont nimbés de poésie. Cette année encore, pléthore de contes revisités. On citera seulement, chez Albin, une nouvelle collection de textes classiques revus et bousculés par des illustrateurs contemporains sous la direction de Benjamin Lacombe, dont l'époustouflant Poucette par Marco Mazzoni. A signaler aussi chez Nathan une réécriture de Blanche-Neige par Gaël Aymon et illustré par Peggy Nille, référence - rare - à la version de Pouchkine.
Le documentaire beau comme un camion
Ouste les mornes documentaires où l'on apprend en bâillant ! On préfère découvrir dans la joie et la bonne humeur qu'à chaque seconde sur notre vieille planète 2 personnes meurent, mais 4 bébés naissent, 200 000 SMS sont envoyés, 8 000 litres de lait sont tirés et 16 000 kilos de caca sont produits par les humains ! (Chaque seconde dans le monde de Bruno Gibert, Actes Sud Junior). On reste dans le registre avec Vaches (Anne-Sophie Baumann, Charlotte Molas, Gallimard Jeunesse) qui nous révèle tout sur ces ruminants, la conception et la vie d'un veau et aussi ce qu'il y a l'intérieur d'une bouse ! Plus de sujet tabou, Eternité, demain, tous immortels ? de Philippe Nessmann et Léonard Dupond (La Martinière Jeunesse) se passionne pour notre possible immortalité. A signaler aussi l'embellissement croissant du documentaire. Cette année sans conteste le magique Le fossile de Max Ducos (Sarbacane) tient la palme. Dans ce pop-up, chaque page découpée en courbe de niveau est en fait une étape de la fouille archéologique et à la fin un splendide dinosaure reconstitué se déploie.
Casterman, lui, s'intéresse aux hommes noirs. I have a dream (de Jamia Wilson et Andrea Pippins), raconte la vie de 52 icônes noires qui ont marqué l'histoire, de Martin Luther King à Beyoncé. Enfances (Marie Desplechin et Claude Ponti, L'Ecole des loisirs), lui, rend hommage à 62 enfants, noirs et blancs, qui ont à leur façon changé la vie. L'imagier, sorte de documentaire premier, lui aussi se réinvente. Dans Imagine... (Liuna Virardi, L'Agrume), une petite fille dans le métro se pose plein de questions sur ses voisins. Réponse sur le rabat...
Enfin cette année, il y a bien des choses à célébrer. A commencer par le grand retour de Claude Ponti à L'Ecole des loisirs avec Le fleuve. Gallimard Jeunesse fêtera les 40 ans du premier album de Pef, Moi, ma grand-mère tandis que Flammarion-Père Castor, les 70 ans d'un titre fondateur du catalogue Apoutsiak, le petit flocon de neige par Paul-Emile Victor.
Nos dix albums préférés
Les riches heures de Jacominus Gainsborough
de Rébecca Dautremer -(Sarbacane). L'histoire d'une vie, celui d'un humble petit lapin à bonne bouille, patte folle et gilet tricoté main. Douze scènes de genre la ponctuent, la joie vient -toujours après la peine. Au moment de tirer sa révérence, reste le bonheur d'avoir été aimé.
De bout en bout nimbé de poésie.
Légumes
de Bernadette Gervais (Albin Michel Jeunesse). Pas facile de faire aimer ces aliments qui rebutent les petits ! A gauche une photo noir et blanc contrastée, à droite sa réplique en pochoir à l'acrylique. Des deux, ce n'est pas la photo la plus réaliste ! Un trompe-l'œil exceptionnel pour découvrir des mal-aimés.
L'enlèvement du prince Oléomargarine
une histoire inédite de Mark Twain commencée il y a plus d'un siècle et terminée par Philip Stead. Illustrée par Erin Stead (Kaléidoscope). Johnny est élevé par un grand-père méchant qui ne lâche que des jurons. Sa seule -compagne, une poule mélancolique avec un drôle de nom : Pestilence et famine, que son grand-père lui demande d'aller vendre. Une fable sociale émouvante.
Un arbre,
une histoire
de Cécile Benoist et Charlotte Gastaut (Actes Sud Junior). Superbement illustrées, 20 histoires d'arbres sur tous les continents et dans toutes les cultures. Ainsi, en Inde, pays peu réputé pour son amour des filles, un village célèbre la naissance de chaque fille par la plantation de 11 arbres...
Princesse Kevin
de Michaël Escoffier et Roland Garrigue (Glénat Jeunesse). Qui a décidé que seules les filles pouvaient se déguiser en princesses ? Kevin aussi se prend à rêver de devenir l'une d'entre elles, porter de belles robes roses et des chaussures à talons. La théorie du genre en version irrésistible !
Mon bison
de Gaya Wisniewski (MeMo). Une petite fille se lie d'amitié avec un bison qui un jour d'hiver ne reviendra plus... Reste la consolation de l'immense prairie. Les illustrations sont éblouissantes. La révélation de la rentrée.
Mon bateau
de Roberto Innocenti (Gallimard Jeunesse). La traversée des océans par le bateau Clémentine se transforme en passionnante traversée du XXe siècle. Une idée originale et des planches de toute beauté.
7 jours et après
de Thomas Scotto et Annelore Parot (Gautier Languereau). La création du monde en sept jours, d'abord les quatre éléments, puis les végétaux, les animaux... De quoi se prendre pour Dieu lui-même dans ce bel album avec du fer à dorer sur la couverture !
Le loup le canard et la souris
de Mac Barnett et Jon Klassen (L'Ecole des loisirs). Une souris se retrouve dans le ventre du loup qui vient de la dévorer. C'est la fin, soupire-t-elle. Pas du tout ! Un canard l'attend pour un dîner aux chandelles... Il y a une vie après l'ingestion, nous dit cet album aux illustrations douces.
J'ai une idée
de Hervé Tullet (Bayard Jeunesse). Qu'est-ce qu'une idée ? Comment survient-elle ? En quelques coups de crayons, cet album nous fait ressentir la jubilation de la création et nous montre que les idées sont partout ! Revigorant. _ F. J.