Etonnants voyageurs à Brazzaville n'oublie pas le Mali

Ousmane Diarra écrivain et bibliothécaire malien © a.l. walter

Etonnants voyageurs à Brazzaville n'oublie pas le Mali

Pour le premier jour du festival à Brazzaville, la manifestation qui avait tenu huit éditions à Bamako, la capitale du Mali, a invité des écrivains à parler de la crise majeure que vit le pays.

Par Anne-Laure Walter
avec alw, à brazzaville Créé le 15.04.2015 à 21h52

Etonnants voyageurs a voulu faire de son premier jour de festival à Brazzaville une fête avec notamment l'émission de Frédéric Lopeé sur France Inter en direct du Palais des Congrès où les 200 personnes composant le public ont fini debout, dansant, avec Alain Mabanckou en chef d'orchestre mettant l'ambiance face à la foule.

Cependant le festival n'oublie pas ses premiers pas sur le continent à partir de 2001 à Bamako, la capitale du Mali. Durant huit éditions, les organisateurs ainsi que le public ont pu découvrir l'émergence d'une nouvelle génération d'auteurs africains, aujourd'hui présentée au Congo.

Pour rendre hommage au Mali, une après midi lui a été consacrée à l'Institut français de Brazzaville, avec la vision d'un pays heureux distillé dans le film Dolce Vita Africana sur les photos de Malick Sidibé, photographe multi-primé en Europe. Ces clichés pris à la fin des années 1950 et jusque dans les années 1970, montrent le temps des yéyés à Bamako, dans les boites de nuit Las Vegas ou Moscou, les baignades dans le Niger et l'insouciance de cette génération.

La transition fut donc rude pour le débat sur la crise malienne, avec l'écrivain et bibliothécaire Ousmane Diarra, le rappeur Amkoullel et le philosophe Souleymane Bachir Diagne. Une heure d'entretien dominée par l'émotion.

Le pays dont on louait la stabilité politique portait en lui, bien avant le coup d'état du 22 mars 2012, les racines de cette crise. « Si le margouillat a pu entrer dans le mur c'est qu'il y a une fissure. La démocratie au Mali avait des failles. », affirme le chanteur Amkoullel qui dès l'été 2011 avait sorti un single baptisé SOS. IL vient par ailleurs d'enregistrer avec de nombreux artistes solidaires une chanson, Un, message de paix et de tolérance dont les ventes iront à la Croix Rouge malienne.

En attendant la réconciliation

La question des islamistes d'Ansar Eddine et d'Aqmi ainsi que de la charia imposée a été longuement discutée. « Ce manque de tolérance, cette violence, ce n'est pas l'Islam, poursuit Amkoullel. Ce n'est pas l'Islam qu'on connaît au Mali ». Ce que le philosophe Souleymane Bachir Diagne qui se veut un héritier musulman des Lumières confirme : « Qu'est-ce que ce groupuscule a à montrer du vrai Islam dont ils se revendiquent : la joie des peuples à leur départ et des moignons. Ces faits remplacent toute argumentation théologique ! ». Il a d'ailleurs insisté sur l'importance du narco-trafic dans les motivations des djihadistes.

Très ému, l'écrivain Ousmane Diarra a prôné la réconciliation des ethnies refusant la simplification faite par les observateurs extérieurs de guerre ethnique. Il a évoqué la « parenté à plaisanterie ou cousinade à plaisanterie » typiquement malienne qui est le fait de faire des blagues d'une ethnie à l'autre comme les Français le font avec les Belges. IL a surtout fustigé les « experts » en Afrique réclamant que l'on redonne la parole aux intellectuels africains. D'ailleurs les éditions maliennes la Sahelienne coédite depuis le coup d'Etat avec l'Harmattan une série d'essais signés de chercheurs et écrivains africains qui réfléchissent sur la situation au Mali. Cinq titres sont déjà parus. « ça s'est vendu comme des petits pains à Bamako car la population avait besoin de réponses pour comprendre ce qui s'est passé » explique l'auteure Fatoumata Keita qui participe au projet avec l'association Mali valeurs.

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