Disparition

Médecin de formation, éditeur engagé à gauche, fondateur de La Fabrique en 1998, Eric Hazan avait transmis au tournant des années 2020 sa maison à une nouvelle génération de jeunes éditeurs, Jean Morizot et Stella Magliani-Belkacem. Il est mort tôt ce matin, à l’âge de 87 ans.

Joints par Livres Hebdo, Jean Morizot et Stella Magliani-Belkacem ont tenu à rendre hommage à celui qui leur a « appris le métier » avant de les associer à l’entreprise comme cogérants.

Un homme « qui avait de la considération pour tout le monde »

« Eric a construit un catalogue sur des sujets forts qui étaient là dès le début et qui sont toujours d’une brûlante actualité, comme la Palestine bien sûr avec les ouvrages d’Ilan Pappé qu’il a été le premier à traduire et à publier », ont-ils rappelé, avant de revenir sur le rôle de passeur joué par leur mentor. La transmission de La Fabrique, effectuée « dans la durée », a permis à Eric Hazan de s’effacer progressivement jusqu’à laisser complètement la place à ses successeurs. « Même si depuis un an et demi il était fatigué et s’impliquait moins, la plupart de nos livres à paraître sont encore marqués de son empreinte », complètent Jean Morizot et Stella Magliani-Belkacem.

Eric Hazan était aussi un éditeur attentif aux évolutions de la chaîne de livre. Lecteur passionné, il fréquentait assidûment les librairies, s’informant des nouveautés, curieux des choix opérés pour la composition des tables. Libraire à L’Atelier, dans le XXe arrondissement de Paris, non loin des locaux de La fabrique, Natacha de la Simone se souvient d’un homme « qui avait de la considération pour tout le monde, quel que soit votre âge ou votre statut. » Eric Hazan, qui fréquentait L’Atelier en voisin, au moins une fois par semaine, « écoutait ce que vous aviez à dire et aimait mettre en relation les gens qu’il appréciait par le prisme de ses lectures », poursuit-elle, signalant par exemple avoir découvert grâce à lui Le dépaysement. Voyages en France de Jean-Christophe Bailly (Seuil, 2011).

Éditeur engagé

Né en 1936 à Paris, de parents juifs – son père Fernand Hazan, éditeur, venait d’Égypte tandis que sa mère était originaire de Roumanie –, Eric Hazan a vécu caché une bonne partie de la Seconde Guerre mondiale. Au sortir de la guerre, à laquelle toute sa famille a survécu, il s’engage au Parti communiste français et soutient le FLN pendant la guerre d’Algérie.

Devenu médecin et chirurgien, il revendique de procéder à des avortements à une époque où la pratique est encore interdite. On le retrouve aussi au Liban, pris dans les tourments de la guerre civile.

En 1983, Eric Hazan arrête la médecine et reprend Hazan, la maison d’édition de livres d’art fondée par son père. La maison, en difficultés, sera revendue à Hachette en 1992. Six ans plus tard, il se relance et crée La Fabrique avec quelques amis.

Résolument engagée à gauche, La Fabrique a bâti en un peu plus de 25 ans un catalogue de près de 250 titres comprenant des auteurs comme André Schiffrin, Silvia Federici, Frédéric Lordon, Alain Badiou, Jacques Rancière ou encore Grégoire Chamayou.

Parmi ses livres incontournables, l’éditeur retient notamment Un féminisme décolonial de Françoise Vergès (2019) ; Figures du communisme de Frédéric Lordon (2021) ; L’insurrection qui vient du Comité invisible (2007) ; La société ingouvernable de Grégoire Chamayou (2018) et Le spectateur émancipé de Jacques Rancière (2008).

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