Marie Nimier est de ces écrivains qui valent que l'on s'y arrête. Et son petit dernier, Je suis un homme, 25e titre depuis Sirène (Gallimard, 1985) d'une oeuvre où romans, récits, théâtre, livres pour enfants ou albums se font la courte échelle, fasciné par sa fausse simplicité.
Ce serait l'histoire, de nos jours, d'un certain Alexis Leriche. Son père, boucher, ne tarda pas à quitter le domicile familial. Sa mère fit mieux, elle quitta la vie. Alexis a aussi un jeune frère avec qui il ne s'entend pas très bien, une encourageante bonne mine, son petit caractère et rien de très remarquable si ce n'est d'être affligé d'un fort pénalisant symptôme d'hyperacousie (une hypersensibilité de l'ouïe). Bref, Alexis est plutôt à ranger dans la catégorie des mal-partis destinés à n'arriver nulle part. Seulement, il y aura dans sa vie comme un brouillon trop raturé, une voyante bienveillante, Delphine, une camarade de lycée qui a des jupes trop courtes et de la suite dans les idées, sa copine Zoé, un réseau dense d'occasions et de consolations. Il y aura aussi la colère d'un garçon qui ne sait ni aimer ni s'aimer et le sexe qui lui est une violence en même temps qu'un pis-aller. Bref, si Alexis n'entend que trop bien, il ne saurait pourtant comprendre tout à sa propre vie.
Ce Je suis un homme où les mots et les maux dansent une folle sarabande n'est pas sans évoquer d'autres livres de Marie Nimier. On y retrouve le ton facétieux et grave qui était déjà celui de La nouvelle pornographie (Gallimard, 2000). Curieux d'ailleurs comme la noirceur est le commun dénominateur de ses romans les plus fantaisistes, comme si le décor n'était qu'un contrepoint au propos. Identités, sexuelles et autres, oppression du couple, défaite des pères, solitudes urbaines, rien de très joyeux dans ce conte où l'on peut trouver quelque écho avec le Régis Jauffret de Clémence Picot ou de Microfictions. La première phrase du livre est "L'enfance n'existe pas". Le reste le démontre.