Pour devenir éditeur, il faut avant tout acquérir une solide culture générale et faire preuve d’une curiosité toujours renouvelée. Mais, au-delà du bagage intellectuel, le métier requiert des compétences bien précises. Qu’il s’agisse des diplômes universitaires techniques (DUT, bac + 2), des brevets de technicien supérieur (BTS, bac + 2), des licences (bac + 3) ou des masters professionnels (bac + 5), tous visent à former de jeunes éditeurs polyvalents. Ceux-ci doivent pouvoir s’intégrer en fonction des spécialités qu’ils sauront développer : éditorial et création, fabrication, juridique, commercial et, de plus en plus, numérique, car les métiers changent avec les nouvelles technologies. Les formations doivent s’adapter pour préparer au mieux leurs étudiants, sans perdre de vue que c’est le papier qui constitue le cœur du métier.

Savoir lire.

«Nous formons à la commercialisation du livre et à la conception éditoriale, en prenant en compte les deux grandes familles de support, physique et numérique. Notre objectif est de donner une formation complète aux étudiants », explique Bertrand Legendre, responsable du master édition de Paris-13 Villetaneuse (avec deux spécialités : politiques éditoriales et commercialisation du livre). « La compétence première de l’éditeur sera toujours de savoir lire un manuscrit et de repérer ce qui est novateur », estime pour sa part Nelly Chabrol-Gagne, responsable du master création éditoriale et de jeunesse à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand.

Gestion éditoriale, techniques de production, droit, histoire de l’édition… Les fondamentaux des cours restent les mêmes, mais ils intègrent la dimension numérique. Comme, en ce domaine, les mutations vont très vite, il faut faire preuve de souplesse. Le mastère management de l’édition de l’ESCP-EAP et de l’Asfored a ajouté des cours de XML, d’extraction d’ePub à partir du logiciel Indesign, ou encore sur le business model. Mais celui de Paris-13 réduit son enseignement purement technique et a supprimé son cours sur la création de sites Web - les maisons font appel à des prestataires extérieurs, bien mieux armés.

Les DUT, eux, verront leurs enseignements changer à la rentrée, car les nouveaux « programmes pédagogiques nationaux » seront publiés au Journal officiel en juin. La dernière mouture datant de 2005, ils prendront en compte les évolutions intervenues depuis et devraient introduire un cours de culture numérique. «Il est important que les étudiants aient une réelle réflexion sur ce qu’est le numérique et acquièrent une vue d’ensemble. Le numérique ne doit pas être un gadget », souligne Patricia Sorel, chef du département information et communication option métiers du livre de l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, où les étudiants peuvent s’entraîner sur une dizaine d’iPad et de liseuses. De plus, les IUT doivent désormais accueillir davantage de titulaires d’un bac technique ou professionnel à la suite de la réforme des lycées. L’IUT métiers du livre de l’université Montaigne, à Bordeaux-3, va par exemple proposer des modules de mise à niveau pour ces élèves, « qui étaient peu nombreux dans la filière livre », précise Jean-Pierre Vosgin, directeur des formations aux métiers du livre.

Pour les techniciens de fabrication, le nouveau référentiel du BTS édition sera mis en application à la rentrée de 2013. « Nous irons assez loin dans la technique numérique, tout en gardant une base papier dans l’architecture pédagogique car le métier reste ancré sur le papier, indique Séverine Dieuze, responsable des formations initiales à l’Asfored. Nous enseignons aux futurs fabricants une technologie, mais aussi un comportement professionnel qui les amène à toujours être actifs et ouverts à ce qui se passe autour d’eux. » Beaucoup d’anciens étudiants reviennent d’ailleurs en formation continue à l’Asfored afin de mettre à jour leurs connaissances.

Mais l’ouverture au numérique n’est pas la seule évolution. Le développement des échanges internationaux est pris en compte dans le master 2 lettres modernes appliquées aux métiers de l’édition, de l’audiovisuel, de l’information et de la communication de Paris-4. «La Sorbonne a une antenne à Abu Dhabi et nous ouvrons cette année une formation sur les métiers de l’édition dans le bassin Moyen-Orient -Afrique du Nord, avec un fort accent sur le numérique », explique sa responsable Hélène Védrine, qui renforce aussi les liens entre édition et audiovisuel : « Il y a une perméabilité très forte entre les univers, et ce profil est très recherché. »

Intégration ralentie.

Par définition, toutes ces formations professionnelles ont une forte composante pratique, sous la forme de stages, d’alternances, de travaux dirigés et de projets éditoriaux très aboutis. « Grâce à ces projets pratiques, ils se projettent dans des postes à responsabilité qu’ils n’auront pas dans l’immédiat, explique Corinne Abensour, responsable du master commercialisation du livre à Paris-13. Nous leur donnons des marqueurs forts pour qu’ils restent des créateurs et ne se transforment pas en exécutants. »

Toutes les formations veillent à maintenir des liens étroits avec le monde de l’édition, et les intervenants sont en majorité des professionnels. A la rentrée, le master de Clermont-Ferrand va ainsi s’adjoindre, en plus de Michel Francillon, de Reflets d’ailleurs, un deuxième éditeur professeur associé «qui aura à son catalogue des expériences numériques », indique Nelly Chabrol-Gagne. Ces liens étroits ont aussi une visée très pragmatique : assurer des débouchés aux étudiants. «Il y a une petite crise, il faut bien l’avouer, et l’insertion s’est ralentie, admet Hélène Védrine à Paris-4. Les étudiants trouvent du travail, mais au bout de six mois voire un an. » De leur côté, les éditeurs se montrent plus exigeants et recrutent essentiellement à bac + 5, ce qui pousse les titulaires d’un DUT à poursuivre leurs études en licence puis en master. Les débouchés évoluent eux aussi. «Sur trois-quatre ans, nos diplômés du mastère occupent des postes de responsables de développement numérique », dit Séverine Dieuze, de l’Asfored. Une carte à jouer dans un marché du travail encombré. «Certains éditeurs font appel à nos étudiants pour combler leur déficit en matière numérique. Ils ont en tête qu’il est plus facile de recruter des gens avec ce profil que de former des gens en interne », souligne Corinne Abensour, mentionnant les postes de community manager ou en Web marketing. «Très majoritairement, nos étudiants s’insèrent dans l’édition, mais certains vont vers des structures qui gravitent autour, des entreprises qui travaillent dans le numérique ou dans les jeux vidéo, les agences de communication… des structures où la prise en compte du numérique se fait plus vite et où il y a plus d’espace pour une personne multispécialiste », complète Bertrand Legendre. De nouvelles compétences et une ouverture qu’il faut valoriser, conclut Séverine Dieuze : « Nous expliquons aux étudiants que c’est aussi à eux d’être les moteurs du changement dans les entreprises. » < C. A.

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